Theophile Briant - Sabatrion
(Du Lérot, 2018)
(Du Lérot, 2018)
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Extrait :
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Le fait marquant de cette merveilleuse aventure, c’est que la jouissance la plus féroce et la plus éhontée, la jouissance de ceux qui se disent chrétiens, s’organisera comme un mouvement d’horlogerie sur ce carnage colossal. Une de mes plus belles inventions, jusqu'à ce jour
Je suis enchanté.
Il y aura des embrochés, des empalés, des écartelés, des émasculés, des brûlés à petit feu, des enterrés vivants, des flagellés, des écorchés vifs, des scalpés, des coupés en morceaux... des décapités, des étranglés, des roues, des électrisés, des empoisonnés, des contaminés, des étouffés, des noyés, des pendus, des élangués, des énucléés, des édentés, des étripés... (ici, cinq feuillets manquent).
La science s’en mêlera. On inoculera la syphilis, la tuberculose, le choléra. On :aveuglera avec des nappes de gaz élaborés par mes apprentis sorciers. On stérilisera, on strychninera. Avec les machines à monter dans le ciel on écrasera les hommes comme des rats. On tuera sans voir... Des humains en train de manger ma soupe massacreront au hasard et, la cigarette aux lèvres, d’autres humains en train de manger la soupe…
Des braves gens supplicieront ainsi sans le savoir leurs femmes et leurs enfants... Ce sera la grande charognerie noire et pestilentielle truffée, de hurlements, de cris inhumains, d’explosions et d’incendies.
Ce que le feu n’aura pu dévorer, L’eau s’en chargera. Ce que l’eau n’aura pu noyer, le microbe des morts lentes le recueillera. Des folles, des aveugles, des culs-de-jatte, d’innommables débris humains circuleront au cœur de la joie et personne ne les apercevra…
Et, pendant cet équarrissage, cette immolation absolument inutile, vous m’entendez bien I-NU-TI-LE de toute la jeunesse européenne, il y aura des êtres raisonnables, des circoncis et des baptisés, pour boire, manger, dormir et faire l’amour, comme si de rien n’était.
Oui, au moment même où leur propres enfants hurleront de terreur et de douleur sous la morsure du fer et du feu, il y aura des parents qui mangeront du canard à la rouennaise, fumeront des cigarettes, iront au cinéma, chausseront des pantoufles et Le Temps.
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On inventera des permission de détente.
Des hommes, soustraits pour huit jours à cette égorgerie reviendront fabriquer des enfants pour que ça continue.
La viande à canon rencontrera la viande à plaisir, et je bénirai solennellement les épousailles des hommes de peine et des filles de joie.
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Fin 1936. Un médecin aliéniste exhume le journal intime de Sabatrion, un interné se prenant pour le diable, abattu 22 ans plus tôt à la suite d’une violente crise de démence. Il découvre alors une chronique terrifiante – sorte d’Apocalypse inversée – de projet d’avilissement de l’humanité.D’une guerre à l’autre, dans cet hallucinant pamphlet des derniers temps, le poète malouin Théophile Briant (1891-1956), « gardien d’un phare en occident », proche de Céline et de Milosz, nous livre un texte saisissant, aux accents prophétiques, sur l’homme et sur son rapport à la modernité....Avec une excellent postface de Dominique Bodin. Hop !
