+++++++++++++++++ + Cantos Propaganda ++ + Structured Disasters since 2014 + ++ Cantos Propaganda + ++ Cantos Propaganda ++ +

Régis Nivelle Gilles Venier...

Régis Nivelle - Paliers
(Le Manuscrit, 2009)


+++

Extrait :

… qui est caché. Passé l'incrédulité, je veux dire l’attention ahurie prêtée au déroulement sauvage, à la zébrure d’une faille scindant soudainement l'envers, il fallut du ciel alors se convaincre ; même si ce ne fut qu'un fantasme de ciel.
A l'orée, la sensation qu’on y appelait, s’appelait, qu'on se répondait, mais se surveillait aussi en locuteurs muets & aveugles, fut une épreuve singulière. Or plus loin, au-delà des claquements déchirés de bâches, sacs & autres loques en plastique qui entravaient les pieds de bruyère, les chants semblaient des milliers, & l'ampleur de leurs souffles était telle qu'il fallut jouer des coudes dans l'inextricable pour pouvoir rejoindre l’intimité d'une odeur de clairière qui aboyait l’amour. L'odeur, chargée de réminiscences, était exhalée en fait par une créature faisant purement corps avec l'onde sauvage. Une force d'attraction qui en émanait devait inéluctablement provoquer le contact. Mais la rencontre opérée, l'idée même de la parole aussitôt flagella, cervelle gélifiée. Là, tout s'arrêta. Et tout le monde alors put voir mon ridicule prototype terrestre secoué par les spasmes du rêve. 

Il en résulta l'accélération d'une acuité sensorielle que ce défilement dévoilait de la pensée l'unité je ; mélopée remplie des deux laits. Ce n'était cependant pas une projection, mais bien un corps véritable qu'une bouche de pensée restitua aux forces primitives; qu'une bouche primitive rendit à la mucine & aux glaires de toutes ces lianes organiques déchirées par la densité même des sens. De la matrice, la houle était vivante ! 

VERS LE CHANT & SES LIGNES FASCINANTE MÉLOPÉE TOUTES LES DROITES & LES COURBES D’UN PUR DÉSERT CELLE QUI A VU MONTE L’IVRE EST LA CADENASSE DANS LA CHAIR L’ETRE & SA FIN ADMETTRE LE FOUET LA NUIT QUAND VERS LE CORPS S’AJUSTENT LES GAZES BLEUES DES JOIES LE CORPS EST PRIS PAR LES YEUX & LA BOUCHE L’ODEUR DES VIDES LUI TIENT LIEU D’AURORES LA FIN EST COMMENCÉE C’EST PAR LÀ QUE CA COMMENCE LE CORPS EXHALE VEUT PARLER PRÉCIPITER LA FUITE LA MÉMOIRE LES LIGNES SONT DANS L’OEIL LES PARFUMS EN CONSCIENCE DES PORES PROPHÉTIE PAR CE PERTUIS QU’IL FAUT FRANCHIR L’ODEUR DE LA NUIT EST D’UNE SAUVAGERIE QUE LES LIGNENT ADMETTENT SANS ILLUSION DÉJÀ UNE MÉMOIRE MAIS TOUJOURS SANS REVENIR ÇA VEUT PARLER ÇA PARLE PLUS VITE QUE LES MOTS FAUT L’ENTENDRE VOIR CET IMPOSSIBLE LIEU CA RESPIRE POURTANT

LE CORPS EST COUPE PAR L’ATTENTE MAIS RESPIRE LA HÂTE DE COMMENCER LE SOUFFLE MENACE D’ALLER PLUS VITE A SENTIR L’IMMINENTE RUPTURE N’ATTENDRE EST UNE URGENCE D’ÉTHER SE DÉPLACER PLUS VITE QUE LES MOTS ALLER AU PLUS VITE DANS LE SANG & S’EXTRAIRE DE LA RÉALITÉ SANS RECONNAISSANCE S’ENFONCER LOIN DANS SES COULOIRS ÉPAIS MONTER AUX ETAGES LES PLUS SOMBRES PRENDRE UNE CAMBUSE & EN TAPISSER LES MURS DE SOLITUDE EN PAGES OCRES QUELLE HISTOIRE FIT DU CORPS CETTE CABINE AU HUBLOT EMBUE ; MÉCHANTE MÉCANIQUE QU’A NOUÉE & LOUE L’IDÉE ÉPERDUE D'UN CIEL BLANC À LA PUISSANCE DU CADRE ?

… L'obscur & la lumière nouaient les surfaces (c'est flottant éternel dans l'encre des odeurs)
Dont les nymphes abritaient la clef de Pan. 

Nous étions invisibles ! Rien n'a changé notez bien
Et pourtant l'aire de l’illusion
(ce que jamais n'ignora le clavier de Stockhausen où n'opérait même plus l’extase lysergique de Hofmann)
Continuait à faire des ravages 

L'inconscient que l'odeur seule aboya
Fallut le dessiner (rien ne doit être combattu à la lettre)
L'oiseau au bec de nuit & de jour
Ce phallus bourré de neige & de gravier
Mit en déroute les hordes de symbolistes

Le trou à la gorge des chiens était tentant 

Je me souviens de cette histoire
(pauvres crypto mnésiques)
Dont des images sauce vaudou
Croyaient renouveler lalangue
Qui cogne le trou duplique infiniment
Le trou qui n'a rien de sorcier (mais vous n'y êtes pour rien non plus)
Le fascia de houle respire l'écho
Qu'un nœud lie & révèle (c'est ici que ça flambe)
Que l'on me nomme (seul le sujet différera)
Vous verrez toujours mes seins pris dans les cordes
Et plus bas la clef d'un langage
Qu'une pierre aux plis d'ailes protège

Que l'on m’appelle rabouté
Le refoulé abouché au temps & à l'espace
L'entre y déplace le sens d'au moins quatre figures
Dont les volutes sont faites de matière 
Le subtil seul consistant harponné
Par le fil du temps allaite l'existence 

Du carnage de l'instant
Voici l'ailleurs 

Mais ne m'endormez pas dit-elle
Sous vos simulacres d'assassinats !

C’est moi l'impuissance
Qui noue le grave & le léger au toucher des réapparitions 

- Où était-elle alors?
- Hors d'elle. 

Coupé, lui en tous cas avançait dans la vase, poursuivi par une absence, & il n'y eut rien alors qui ne put pourtant l'empêcher de voler. Seul le lieu désorganise le temps.
Il aura daigné se jeter puis tomber pour marcher droit. Quel culot ! Se jeter & tomber mort pour décidément filer droit dans le cul des mots, la vexation & les sermons, parce que voulant tomber & s'extraire vivant des préceptes illusoires que fomente la conscience. Pourquoi les odeurs d'acide n'enivrèrent pas le cœur du pauvre bougre au motif d'un accomplissement, & pour quelle raison, entravé, bataillant contre cette moelle qui l'embourbait & allait l'engloutir, il se dit que c'était une belle bagarre ? 

Il dit : « Suis né trop vite à chercher le sens, la bouche sombre du sens ».
Seule la fonction de percement laissa apparaître les fils qui suspendaient le tout.
Mais sa parole s'encode par prudence précisément là où ça schlingue & ça ne danse plus. À cet endroit, L'utopie du chien métromane rêvait évidement d’une fureur utérine. Seulement voilà, on a beau s'échiner à lui graisser les lèvres, ça n'arrive pas. Et ce qui n'arrive pas est tapi sous la crasse de l'organisation & de la production.
Au-dessus, l'eau forte. Le ciel lui jalousait la coupellation des matières.
Il ne restera dans la pâte d'os cuite, nul argent, nul sequin.
Dans son avancée à la machette, explosaient le motif & le mobile, la tentation d'une métonymie. Finalement, tout ça oscillait. Entre le rythme – en place du temps –, le lieu sans mots & la recherche du lieu.
Finalement, le contre-chant chiffré était bien secondaire. Il put bien vouloir s'y coller, il ne se ventousait qu'à lui-même. L'inaudible impétrant n’était plus qu'une tête de marmite où viraient à l'aigre sa rhétorique & ses prières. 

L'or rouge est serti dans les deux gestes ; rites génésiques. Or, le talisman ici, n’est autre qu’un satellite encore en rotation autour de l'idée. L'Orichalque y gèle toute représentation. Sommes accomplis. Davantage encore que ce que nous laisse supposer la réalité.

Il suffit de vidanger la compassion à peine visible sur les visages, pour que crève & se soulage alors la vessie du mensonge. On s'acharne à croire au vide qu'une fois tombé, abruti par les mots, les stéréotypes. 
Donc, après avoir donné & pris, enduite de terre rouge, elle s'empara sans attendre ce qu'à la danse il revenait à tracer & à suer dans l'opacité du tableau où elle ne se noya, puisque désormais elle y chevauche les poissons, & qu'elle boit leur semence le regard tourné vers l'unité, ce qui n'appartient qu'aux amibes. 


Souvenir du voyage
Flottant, l'œil voyait le sac triste & marqué d'un
Corps qui bredouillait par le bas
Tu n'avais de cesse de voir & de moins
En moins rêver
Tes yeux étaient ouverts
Mais ton regard n'était pas ton regard
Tu attendais la mort, tête nue
Je puissant
Attendais la mort en croisant ton regard
Ne pas être – pas être – Être, ou bien…
C'est impossible
Elle est impossible
Cette nuée pourtant promise
Combien de temps allais-tu pleurer
De ne plus sentir ses baisers 
Tu regardais tes mains & puis les siennes
– Cesser de rêver –
Tout ça ne servait à rien – par la fenêtre,
On voyait bien que dehors il n'y avait rien
& qu'à tes cotés, la femme qui semblait
Dormir était en vérité hors d'elle, habitant le songe 

Besoin de sa bouche, même si ce besoin ne mène
Nulle part
& pourtant ce besoin de vent d'être
Tu rêves bien sûr, bien sûr
Mais qui est donc celui qui s'écrie ? 

« Le sommeil, brique après brique, construit »  


-------------------------------------------------------------------------------------

Gilles Venier - Sans Cesse
(Tarmac, 2018)


+++

Extrait :

Des sacs d’angoisse peuvent bien s’empiler sur mes vertèbres. Sous la charge, l’emboîtement de verre crisse, mais l’orgueil qui est aussi pierre à levier t’a appris à tenir. Qu’ils s’y amassent donc comme ils le peuvent. Midi m'est toujours léger et me danse encor des immeubles blancs avenue des Ternes, kiosques de moineaux boulevard Barbès, affiches colorées qui clament l’humanité, les jupes et jeans, jambes d'une pure merveille te délivrant un billet pour un vol spirituel au parfum de Chesterfield. Volent au mètre par seconde les routes nationales bordant la lente marche des pluies, la lumière jaune que les grands arbres accrochent puis descendent vers les visages. 










 IV

Nous ne nous sommes rien dit ou presque de nos prières. N’avons rien dit de nos circulations, de nos absences, au miracle du toucher Corps et Âme. Rien dit sur la présence des dieux de printemps qui habitent dans les pins craquant sous la chaleur. N’avons rien entendu non plus de nos langues que leur jubilation d’hélice sur nos seins et nos cuisses.
Il faudrait pourtant dire la trace des doigts sur les verres et sur les vitres les manifestations du Ciel le songe musical des villes la beauté du ventre des femmes
entendre les basses la pulsation amoureuse des basses.

Nous sommes des paroliers impatients. L’oracle c'est le réel.
Juste à côté de l’image et du dit la pythie désordonne sa coiffure. Et lorsque nous traversons l’étrange, rien ne nous semble l'être. On y croise nos corps et nos textes désirant en abyme – frères et sœurs humanité déjà ancienne mais ce sont toujours des visages anonymes porteurs des mêmes implorations, des mêmes paysages. Nous sommes du temps ses lenteurs infinies. 

Jusqu’au dernier regard 

prose de la Rose l'Âme.

Envisage la mémoire en unités-lumière.

Recours à l’Encre et à la Pluie à grands seaux de silence. Soutiens l’heure éternelle glissée sous chaque ville, dans chaque corps et chaque esprit où reposent des lunes de lavis, des constellations de familiers lointains. 

Voue compagnon de joie et de lenteur Air Eau Soleil notre solitude l’élévation de sa parole au Vent - au souffle de la Terre à la Fleur incendiaire la vie hors du temps ce round que l'Être sans cesse inaugure dans l’ouragan l’effroi le secret. 

Invente continuellement tes traces on les effacera de même. Masque avec discipline ton immobilité la puissance de tes épaules, la fragilité de tes fictions. Beaucoup ignorent ce qu’au pied de la lettre voir et agir partager le livre veulent dire. 

Sans rien omettre de l’Eau et des Ciels, debout pieu fiché dans le sable, laisse les choses légères et graves te jouer des tours et conjurer le récit. La joie revient. 

Il faut apprendre - je crois - à écrire peu sur la forme de sa perte. Dessiner le chant n’est pas en être le sel, et dire ce qui se voit ne délivre aucune preuve. Il faut tenir son vide pour dit autant que le respir nous en permet la profération. Choisir la tendresse, le fil coupant de ses pétales. Agir muettement, écouter ce qui se lève des autres cadences.

Emprunter l’escalier des saisons dont les jours sont des siècles. Boire et reboire l’Eau à nos lèvres de salades. Suivre du regard le tube du vent suspendu au soleil.

Et puisque tout est parfait - Air trois fois inspiré – l’image seule de l’enfance à la fin reviendra, la mémoire du présent épousant gestes et pensées, et tous nos baisers de mucine nos routes nos dires nos jeux, tant nous avons dansé bougé et remué l’air passionnément, furieusement, de nos cœurs et de nos mains, courageux va-nu-pieds, passeurs obstinément cois sur nos Ciels de misère, le désordre de nos ravissements, le murmure de nos chants.
*

J’ai depuis longtemps jeté mes bourreaux aux orties, aimé nombre de visages. – prose des visages du Soleil aux couronnes d’épines de leurs résurrections. Océans oiseaux rapides Arbres.
Et partout sous les
arbres, sous l’Herbe aux cheveux de Rosée où ombres et lumières s’entrecroisent, comme dans la géométrie familière que composent ces chaises ces échelles et ces lits qui clôturent notre esprit,
le tien est là, et encore à venir.
*

Des voix réclament jour après jour qu’on inhume les phrases. Alors je prends à pleines mains des bouquets d'herbe et de gravier. – prose des pays de paille des chemins et des abeilles des pistes des paysages de pluie des laisses de mer du voyage. – prose des oiseaux jardiniers – prose des temps obliques d’une mosaïque de Ciels car nous avons été patiemment attendus par des mendiants qui ont fait don de leur parole.

Je me rappelle maintenant avoir décroché le mot orgueil de mes cervicales.

C’est que judicieusement placé sous un autre mot il servit alors de point d’appui idéal au poème-levier. – Prose de l’entente de l’improbable équilibre              des mots-fougères      de mon chant
de mendiant.
- « Mais de quoi alors pourrions-nous bien parler
et qui êtes-vous d’ailleurs ? »
- De rien de l’intériorité du voyage du pas
du tout 
du non-advenu         de l’indéterminé
de nos jours enthousiasmants enclos de joies tristes
de la fiche électrique de la radio débranchée que je perçois
telle une main gantée l’extrémité suggestive d’un vide. 

- Prose des reflets du chant ; l’intercesseur – de la bienveillance de l’éros de choses légères et graves des unités de pensées des interstices de lieux sans lieux de l’oyat des dunes de la pyramide des patelles
          mendiant dément pas artiste                                                                          et d’ailleurs oui
sûrement laborieux non confessionnel                                                        individu indivisible invisible
     clandestin. 

Aux hiatus d’offrir des retours, un infini de phrases ruines, de résonances, d’émeutes acouphènes, par épiphanies de silence et changements de perspective, pourvu que le chant aigu l’aiguille de son qui traverse nos têtes puisse lier ce qui est à brûler aux vieilles cendres et aux fleurs, et que, pénétrés par la permanence de son timbre nous restions sans vérité, marchant comme tout le monde au-dessus des morts dans l’aura du jour et son cerne noir en compagnie des bêtes, puisque nous sommes fait de chair de Ciel et d’Âme qui tiennent ce sifflement lavé par l’eau des rivières pour un chant sacré, un vieux rêve rivé à nos vieilles mémoires. 

Jusqu’aux derniers signes nombres
j’y serai.
C’est par leur bouche leur miroitement seulement par leur bouche que tient le monde. Tête obscure vouée au chant.
          Entêtement des corps-livres
des renaissances.

Et le livre de la mémoire n’existe pas. – Prose du chant de son tremblement de l’éclat descendu dans les Arbres puis glissé dans les pierres – prose du plexus solaire du regard rhapsode de la convulsion des jours jusqu’à ce que dans l’œil toutes les ères se confondent et que la prière soit une marée d’équinoxe une marée aux tambours de soude brûlée au souffle bramé et piqué de serpolet de fagots de bois flottés emmaillotés de sable et de goudron de cils de gourbet – prose de toi mon père paysan-soldat de tes gifles lourdes pelles de terre à patates que ça te plaise ou pas – prose de l’enfant bercé par la sorgue à l’œil ouvert où palpite le cœur sans sommeil – prose de la peur de ta voix entaillée par la lune dans le mortier des nuits de sable de dents cariées et d’oreillons comme paire de tenailles aux mâchoires de fièvre – prose de ma langue de mon vieil Espéranto en sifflements d’autocuiseur en vagues de Ciels roses et de jambes de soleil ricochés sur les moellons ocres et gris des fermes de la Dordogne et des Charentes – prose de quartz de silex et de pyrite d’ombres et de couteaux de ton patois aux accents Roumain – prose de ta femme engrossée six fois par tes excès de fatigue – prose du silence mais aussi d’omelettes aux cèpes de truite meunière – prose de lard de piment de persil de tomates farcies et de canards rôtis – prose des tablées familiales belliqueuses dès que le vin de Bordeaux succédait au Sancerre - romance gitane où l'amour se chante mais ne se dit pas – prose improbable de glaise bêchée de luzerne et de trèfle violet fauchés avec le soleil et la Rosée des pare-brise – prose des dernières proses au paroxysme de notre mémoire antée-numérique de poulaillers et de lapinières de fossés de brûlis de granges de remises où les ailes des faux les squelettes rouillés des faucheuses dorment le pays des vents des pailles et des poussières d'été restées collées à la graisse des essieux – prose du faire et des prières de midi en liturgies de jambes et de bras fermes aux vidanges des citernes – prose des pluies aigres et froides de gels qui ceignent cruellement les reins et les poignets - prose des corps aimés de vos courbes et vos plis d’où surgissent les effluves de pays sauvages et calmes – prose de nos voyages d'amour aux lenteurs incroyables – prose jusqu’au bout sur nos dépouilles amoureuses et les ambres qui ornèrent nos lits des variations spatiales du chant de l’enveloppement infini de la mélopée des corps et des corps dans l’entremêlement ordonné des transformations – prose obscure de la totalité par bribes de sources et de rivières – prose de la maladie des tourbes d'affects des sables mouvants – prose des fontaines et des eaux souterraines de la langue morte lorsqu’elle est peau morte d’une danse des signes – prose des âmes simples aux songes amoureux des réminiscences affleurées par le vent glissé dans les arbres puis dans les pierres et dans les cendres - prose de l’eau des corps et sa mémoire que l’âme dans ses plis retient – prose du commencement de la Rose du Nous du jaillissement d’une époque à venir seuls les accords de musique et la danse animent encore les tentatives d’effacement. Ce qui nous manque est magnifique. 


Je suis nomade d’ici 

où mon île apparaît parfois au cœur des pierres veinées de silice sous la constellation du crabe dont l’ami Mano me promit un jour de viscères noirs de surveiller ses étoiles.
Prose des sud et de l’orient du sein aubergine au lait des sources et seuils nets de joies désertes en purs déserts dormant leur gerçure de silice des septentrions aussi – prose immobile du Texte du dire muet des choses de la dysharmonie élégante des chants poussés par ceux qui vivent encore avec les paysages et s’entretiennent avec les visages de leurs Ciels.
*

En moi mon amour nombre de tes visages – prose de leurs baisers et l’argent mousseux de leurs rives tes lèvres. –
Prose des consolations des phonèmes des inflexions tonales des langages-couleurs du timbre de nos rires et de nos peines qui ne feront pas un livre mais un poème serpent 

Tiens-moi la main et partons. J’habite dehors avec toi parmi les choses et les vieux signes 

dans la bouche du songe du jour et de la nuit. 


(…) 

Ça commence toujours ainsi, par des paysages.










(Paysages, lieux. Enfance) Évocations, anamnèse, par bonds intermittents et sans repères chronologiques précis 

Nuit et force – Dordogne – 1959-61 l’épicerie 

Village de Sainte-Eulalie-d’Ans – vallée de l’Auvezère – Dordogne 

1962-63 – au lieu-dit, « les Versannes » – commune de la douze – Dordogne 

Sous l’égide de la constellation du cocher et de la mélancolie – marie-louise et ses chèvres – aux lieu-dit « les garennes » – Confolens - Charente 

À Villeneuve-Saint-Georges 1963-64 

Paris/banlieue. La radio diffuse des nouvelles d’une guerre (Viêtnam) – inlassables tourniquets sur les fauteuils de bureau pivotants, et autres « songes »

Meudon, l’observatoire, route des gardes 

Dans le département des Hautes-Alpes 1964-69 quartier Villebois à gap – révélations : neige et lumière alors jamais vues – la vallée du Queyras – le col de Manse 

Jardins ouvriers des Fauvins – gap 1967 
Arnold Layne, happiness is a warm gun, entendus en 68 sur Europe n°1 

New York, la cinquième avenue, l’empire state building – Harold lloyd, en équilibre sur les gratte-ciels, vus à la télévision 

Une photo : Verdun-Craonne, plateau de Californie (la tranchée des basques) 

Les zeppelins bombardent paris, et T.E. Lawrence prend Aqaba. 

Gaston N. – pacifique homme à tout faire – liber pater taciturne, ivrogne infiniment tendre 

Marie-Louise P. enfant, elle fit une macabre découverte dans la forêt où passait le chemin de l’école ; racines de la peur - par la suite, Marie-Louise refusa de retourner en classe 

– jargon, zircon mêmes racines (perse et arabe) ou presque ; cristaux aux possibles feux d'hyacinthe : or, jaune à grenat 

Deux photos : celle d’un jeune opérateur radio-gonio, très beau dans son uniforme de l’armée de l’air, pour l’une, et celle d’une adolescente blonde aux yeux clairs, pour l’autre (Tübingen - Münsingen), décembre 1954 

Ça commence toujours ainsi, par des paysages.

+++


Gilles Venier (Régis Nivelle) vit entre la Dordogne et les Pyrénées. Il est discret, écrit "peu et mal". Outre ces deux livres, publie en revue depuis les années 80. Plusieurs recueils chez Encres Vives depuis 2010. Dessine grave peint. Tient un blog : Lithoral. Hop !