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Senna Hoy

Senna Hoy

Disponible par correspondance :
15 rue Myrha, 75018 Paris
(un numéro : 4 euros. Abonnement de soutien 4 numéros : 20 euros)




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Extraits :


Victoria Xardel
J'ai les moyens

(...)
Tu diras, un système s'effondre non par succès de l'opposition
mais par le développement irrépressible de ses contradictions.
Tu vantes les connexions raffinées qui nous neutralisent.
Ce mouvement reste à l'extérieur des lieux de travail. Tu es maître de toi.
Ils ne croyaient pas à l'éventualité de troubles étendus et durables.
Nos perspectives sont l'accouplement, l'ouverture des routes,
la mise à sac de l'équilibre ruineux de la sphère domestique.
Aucune omnipotence ne prévaut contre ton exorbitant privilège.
si tu presses un bifteck contre ta plaie à l'oreille,
un émeutier taciturne évoque la capacité de cicatrisation du cristal
et tu assures ta domination en transformant tout procès
en phénomène linéaire.


in Senna Hoy 1


*


Sean Bonney
Depuis le noir profond

Le disque violent au centre du ciel comme les pièces dans ma poche
irradient la même énergie d'enfer. Je le sais parce que ça fait cinq jours
que je suis réveillé. Je sais que ça fait cinq jours que je suis réveillé
parce que quand je suis sorti sur mon balcon ce matin tous les
immeubles de la ville se sont effondrés. Il me semblait qu'il y avait de
quoi s'inquiéter, donc je me suis mis à écrire mon testament. Allons-y.
Mes tasses de café et ma machine à écrire je les lègue à, chais pas, celui
qui gueulera le plus fort. Ma collection de bières vides je la lègue à mon
proprio. Ma bibliothèque je la lègue aux sdf de Kotbusser Tor. Ma
carte bleue pareil. Mon indécision sexuelle je la garde pour moi. Mon 
amour je le lègue aux suicidés. Ma toxicomanie je la lègue aux flics,
qu'ils flétrissent mutent et meurent. Ma haine je la garde contre mon
cœur. Mon cœur je le lègue au centre de la terre. Ma peine. Argh. Ma
peine, qui fait la taille de la petite île raciste sur laquelle je suis né, je la
comprime, je la transmute en quelque chose comme la joie sauvage et
collectivement inhumaine des martinets qui tournent autour de la ville
avec une frénésie plus sauvage que, enfin bref. Le cœur c'est tellement
nul comme métaphore. Et l'idée de l'enfouir sous la terre si pathétique
quand je pourrais tout aussi facilement le lancer au centre de la grande
tache rouge de Jupiter. Par exemple. (...)
Ma petite île raciste je la lègue aux monstres et aux poisons. La
dimension fantôme je la lègue à mes amis les plus chers. Mes nœuds et
mes tumeurs je les lègue à ceux qui voudraient former un nouveau
gouvernement, qu'ils comprennent juste ce qu'un système sensoriel
peut avoir de petit, d'enragé et perdu une fois détourné. Ah, fait chier.
Je lègue l'expression de mon visage à mes ennemis. Je lègue la grande
tache rouge de Jupiter aux chômeurs, je suis sûr qu'ils sauront quoi en
faire. Nique mon cœur. Résiste à la mort par l'eau. Par le feu et la
corde aussi. J'ai peur de rien. Putain ce que je vous aime.

in Senna Hoy 2


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"Chacun deviendrait responsable d'un savoir qui n'est pas le sien conçu dans une langue qui n'est plus seulement la sienne." (La scierie, anonyme. Héros-limite, 2013)
Senna Hoy (un des pseudonymes de l'écrivain et activiste libertaire allemand Johannes Holzmann) est une revue de poésie en français et en anglais, imprimée en typographie dans un petit format (pratique à la main) et disponible par voie postale ou sur abonnement. Cette fabrication/diffusion est un pari : celui de l'engagement et de l'organisation. Son nom l'indique : la question politique (avec ses corollaires) est le cœur de ses préoccupations. Il ne s'agit pas de procéder par mots d'ordre mais de parler ("Il y a deux type d'écrivains : ceux qui parlent et ceux qui parlent de quelque chose" écrivait Kenneth Patchen) et de faire ce qu'il y a à faire : publier de la poésie comme avoir quelque chose à redire, dans une circulation entre deux langues s'informant mutuellement, aux dispositifs parfois ouvertement expérimentaux (Nat Raha notamment), parfois plus brutalement "expressionnistes" (Sean Bonney par exemple)... Ce sont des gestes possibles pour faire pression sur la langue, désagrégée et rendue à une matérialité enrichie, avec ses différences, ses impulsions, ses failles, ses lignes instables et dansantes de colère et de mélancolie... C'est comme l'herbe entre les dalles, ou une façon de battre sa revendication (Claude Minière). Hop !