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Textes sans sépulture ... Sainte Anne Brut

Anonyme - Textes sans sépulture  (Inter éditions,  1979)


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Extraits :


Le monde s'est effondré le 28 avril 1892 ; il y a de cela des siècles, des millions, des milliards, des centaines de milliards de siècles. Je n'ai su que plus tard que c'était la date de la fin du monde. Depuis ce moment il y a longtemps, longtemps, tout le monde est mort, la terre ne produit plus rien ; les personnes qui m'entourent sont toutes mortes. Elles ne ressemblent pas, il est vrai, à de vrais morts, bien qu'ils aient les yeux changés ; ils ont l'air de gens vivants et cependant ils sont morts, il n'y a plus que des âmes, comme des ombres, des esprits, mais qui ne sont pas purs par ma faute. C'est pour moi que tous les morts travaillent et souffrent; je suis responsable non seulement de tout cela, mais encore d'avoir empêché, en causant la fin du monde, tous les mariages qui auraient pu avoir lieu depuis cette époque, et les naissances qui ne se sont pas produites. je réponds pour ceux qui sont morts et aussi pour ceux qui ne sont pas nés. 

Il ne s'est rien fait de naturel depuis la fin du monde ; la dernière neige naturelle est tombée en 1891 ; il n'y a plus que moi de vivant ; il n'y a plus personne sur terre, plus de blancs, plus de nègres, plus d'Afrique, plus d'Amérique, plus d'étoiles, plus d'arbres, plus de printemps, plus d'hiver, plus de saisons. Les arbres sont bien des arbres, mais ils ne sont plus comme avant, ils sont morts. Des jours ? il n'y en a plus, plus d'années, plus de siècles! Il n'y a rien. Tout ce qui existe, n'existe pas, ou plutôt, tout ce qui existe, existe, mais tout ce qu'on voit n'existe pas ; il n'y a que moi qui existe.
Celui que j'appelais mon mari souffre d'une bronchite depuis le déluge et je ne sais pas quand cela finira. Les jours de maintenant sont des milliers de siècles, et plus nous allons, plus ils s'allongent ! Dire qu'un si petit corps a pu faire tant de mal.

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Le fond de la pensée c’est le chien.

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Je n'ai plus de corps, je suis un semblant de chair. je ne vis pas. On est mort avant d’être au monde.

Ici, il n'y a rien. Il n'y a plus de saison. La terre n'existe pas. Il n'y a que la nuit et le néant, ce sont des semblants de personnes, des chiqués d'objets.

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Je suis très mère, très impensionnée, très droite, très face, très ficelle, très France par le droit.
je suis camarade.
- Qu'est-ce qu'une camarade ?
- C'est quand on a jamais mouru.
- Que voulez-vous dire par là ?
- je dis tout ce qui intentionne la face, la face de mes mères, des mes intentionnées. Ce n'est qu'une camarade sans méthode. On ne vit que nos cons et nos filles. Vous en vivez vous-même de nos faces. Le droit de nos mentionnées était imperdu. Nous avons encore le droit des ficelles ä nous comprendre. Nous avons instruit la France par nos ficelles. Mon cher face, ils sont encore sans méthode, il faudra les retrouver dans 8 jours. Arriverai-je à faire une troisième pardonnée ici ? Retourner sa pensionnée est très difficile ici. Ce n'est qu'un langage que je devrais tenir, je le sais très bien. Je ne couds pas, je suis gauchère. J’ai des choses bien plus grandes dont j'aurais voulu vivre, des vieux névromes, des grands pardons, je ne me plais pas ici, il ne faut pas rester dans ces sales névraux. Nous sommes trop malheureux dans nos Frances, les grands pardons ne sont pas exécutés ici. Je ne suis pas heureux par la méthode. Tout ça, c'est pour faire parler encore les cons. Je suis tout ce qu'on veut, je suis de toutes les faces. Les droits de nos faces c'est nos filles, c'est tout ce qui est impénétré sans faciale.  Je suis très névrosée sans face et sans névronée en mère. je suis la face de ces névraux.

Qu'allez-vous faire de toute cette tartine ? Vous allez en rire pendant 8 jours.


On me goule, on me suce le sang, on m'arrache les os, il y a Giblas Giblotte, l'invisible dédoubleuse de face ; puis la demoiselle dite Chien sale, empaleuse, faiseuse de dégâts en gorge, micheuse et frelleuse de face ; le forçat brun épine d'orsalier, arracheur d'épine dorsale ; Mme Duchard qui lambéante la chair humaine ; les cories de l'omnibus, le journal illustré qui m'ont farfadée une nuit et m'ont arraché une quantité extraordinaire de petits os montant au nombre de 5 000 ; Mme Dagory, qui m'a blessée dans mon dessous de front, comme je le suis et abîmée derrière le nez ; il faudra même que le raccommodeur retemplier soit très habile pour me réparer.

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J’avale les rognons de Gabrielle tuée par l’âne rouge. J’ai mangé son oreille tuée par Tripette, je l'achèterai, j'ai entendu le pavillon devant le Paradis supérieur qui se disent les représentants de l'Eternel et leur font frayeur. C'est de vos mignons que j'avais dans le cul et de cette crème que j'avais au doigt gauche, cette madeleine que j'avais dans le ventre. J’ai mangé les rognons de Gabrielle.
On m'appelle la grue parce que je suis amoureuse, Sainte Cécile, sainte Cécile, sainte Cécile, je vous protège avec le médaillon de la Madeleine, saint Pierre. J’ai fréquenté un franc-maçon. Saint Pierre, saint Pierre. je suis une martyrisante de par les anges. Sainte Pétronille. Vous êtes sainte, Pétronille. je veux la tuer. Tu seras puni du baiser que tu m'as donné sur la bouche. Ecrivez sainte Cunégonde et vous serez protégée par moi. je suis fille de Lucifer. Ma mère s'appelle Elisabeth dans la Bible, sainte Agathe de mon pied. C’est moi qui vous ai violé, aidée du Saint-Esprit.

Je ne peux plus dire trois paroles comme je disais auparavant. Je n'ai pas de voix, je n'ai que mon genre, je parle avec l'antan des pieds. Je dis une parole, je reste là pour dire l'autre elle est avalée avec la précédente.  On me retire le tampon de l'entente, le « Clavoissy » de l'entente complète et de la vue entière. On met des guides de tous les côtés. J’ai un nez de chien, mon corps est dépiauté pur par pur, pour faire des hommes et des femmes.


J’ai eu trois maris, j'ai eu des trillions, des billions d'enfants, entre autres une portée de 400. L'aîné s'appelle "Hurteran". Je n'ai pas de filles, c'est tous des garçons, on me les a mis en jupon mais c'est tous des "gâs". Ils sont en bas dans les bas-fonds, ou on leur fait supporter des vices monstrueux. Ils ont le toupet de prendre mes enfants, de les cuire en pain et de me les donner ã manger. J’ai été un mâle de « Skoben », mâle de grand phénomène, mâle de grande durée. Je suis le commencement du monde et j'ai vécu des siècles.  Je suis le devoir du tri. Mystère, tri mystère du Finistère, des Trébendious et des trédious, des trébendious. Le gim de l'air de l'erme, le giderme, le citerme, le cimeterme, de l'arterme, le gim de l'air de l'airme, le citerme, le cin de terme de la terme en terme, le gin de l'air en trême. M. Stroben a une congestion interne, congestion étranglée, congestion jaune, et toi tu as en jaune et gim. Et tous en jaune et en terme. De la terme de la tiendam, ça fait 24 ans que je le connais en terme, le gim, de l'air de la dantam, le cim de strum de l'ombre de mon corps. Les petits comme les grands, il n'y en a pas un qui coupe. Et laissez-moi remuer le remue-ménage de leur dom de trêbendom le ribom de libom todam. Le jemar de debendom. Et je suis râclée, râclée râclée. Sorti de mon corps c'est fini.

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Pour Olivier Vert Pituite La belle Brisson, un autre passeur... 
Malheureusement épuisé, ce recueil établi par Laurent Danon-Boileau présente, dépouillés de tout commentaire clinique, des textes écrits par des "fous" et publiés entre 1850 et 1930 dans diverses revues spécialisées consultables à la bibliothèque de Sainte-Anne. Avec "Ecrits bruts" (P.U.F., 1979) de Michel Thévoz, cet ensemble est l'un des plus importants (en nombre) donnant ces textes à lire pour leur "beauté littéraire" (lesquels effectivement ré/ai-sonnent avec Novarina, Savitzkaya ou quelques surréalistes...). Sa publication avait par ailleurs fait l'objet d'une émission radiophonique pour "Nuits Magnétiques" sur France Culture... Hop !