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Extraits :
Pardonne les fautes comme moi je remets les terreurs
abroge les fêtes dures, les fastes, les langueurs
fête de ta chair, les
joies sonores.
Avec le bout de la langue décolorée
vers transparents
une luxure de sagesse.
J'ai vaincu juste le vice
de m'arracher la foi
au contact de mon règne d'administrations
soudaines de doutes
mon sens de la continuité par à-coups.
***
Tu cherches une justice : tu ne l'auras jamais
mais ton coeur qui dans un si large don
donna ses enfants (les vignes grimpantes)
ose, n'ose pas, veut, ne veut pas, est destiné
à être exactement comme tous les autres ?
Tu cherches une réponse avec impatience et
tu écris des vers comme ça en faisant d'un cas
presque minable (on l'appellera illustre
plus tard) une consience plus vaste et large
de tous tes mobiles.
***
Dialogue avec les Morts
vous, descendez, enlacez votre
fille qui se débat entre tombolas et
musulmans qui jouent avec ses bras
qui au contraire, blancs, voudraient enlacer
ou étrangler mais jamais manquer ces coups
que journellement ils reçoivent, pleins de
bleus et lividement promouvez une
soif de douceur et d'âpre justice
ou bien ne permettez plus que je tourmente
(et eux me tourmentent) cet esprit
qui meurt à chaque instant plein de
noeuds serrés qui encombrent sa
pleine marche vers un pays plus beau introuvable
pendant que meurt lividement aussi l'envie
d'être plus beaux que ce qu'on
est.
Descendez, et descendez encore - et enfilez
dans votre joie banale la signification
d'une vie qui sautille attristée
de la pleine puissance du mal des
autres et du mien - ne pas savoir me défendre
des envies obtuses.
Vivre un instant ou une demi-heure et après
se retrouver par une erreur de la pensée
encore plus encombré d'inessentielles
colères !
Voix au chapitre n'eurent pas les mains
sages : je vous rencontrai pour après me faire obstinément
massacrer par vous.
Et le massacre tourne à la luxure : et
la luxure à l'extase contemplée dans
le grain syphilitique qui s'entortille à
mon cou, épuisé par trop d'abandons.
S'abandonner au sexe vide et puis se retenir
aussi souillés par la poix noire de
la manière de faire si étroite des pauvres.
Sexe et violence abandonnèrent et
se retrouvèrent trempés ce matin
glorieux ou tout tomba en pièces, et
si la sagesse avec ses microscopiques
coutumes n'empêchent pas des troupes de se vouer
à l'angoisse, et si une petite fierté
ou erreur peut provoquer des angoisses retardées
alors la triste journée tombe en pièces
par ta brutalité féconde.
Et c'est sans défense que je bataille pour une
clarté qui n'a pas permis d'exister
jusqu'à ce que tu joues avec cette providence
qui nous imprima sur le visage cette anxiété
d'exister en dehors d'une commerciale
limitation aux plus basses envies ; mais
je vis aussi sur ton visage le sceau
de la négligence et du vide s'armer
à la mort sans penser à la vie !
***
(photographie Dino Ignani)
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Document (1966-1973) est considéré par Amelia Rosselli comme son livre le plus important. Il est ici présenté en version bilingue, dans une traduction Rodolphe Gauthier, qui signe également une des deux postfaces (l'autre est de Olivier Gallon). Toujours très curieuse (en plus de sa beauté toujours frappante dans ses errances expérimentales et ses écarts stylistiques), on apprendra beaucoup de choses sur l'oeuvre immense de Amelia Rosselli ici.