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Leopoldo Maria Panero "Bonne nouvelle du désastre"

Leopoldo Maria Panero
Bonne nouvelle du désastre
(Fissile, 2014)

Disponible dans (toutes) les (bonnes) librairies... et sur le site de l'éditeur.


Extraits :

Auto-cannibalisation 

Comme tous les jours j'attends la mort
- en troban -
comme un cheval qui traverse les jours
et prie le silence
et la haine prie
elle sculpte une fleur dans le silence
parce que je suis mort déjà,
et je suis un homme mort
implorant le silence
à genoux seul devant la tombe
jaune du silence, du silence
qui ne pardonne pas, parce qu'il en sait
plus que jésus-Christ sur la mort
           - toi qui sur le néant
          en sait plus que les morts - (Mallarmé)
parce que seule la mort transforme l'homme en homme
et fait de la mort un accord
exécutant sinistrement un tragique concert
où la parole rappellera la parole
où le silence sera la mère du silence
et son épouse
candide comme la mort
bleue comme la mort
blanche comme l'effroi
de n'avoir plus rien à quoi penser.

***

Sioux

Comme une balle dans le miroir
ah Pat Garret de l'homme
chasseur de chevelures
visages pâles
qui poursuivent le soleil dans la plaine
dans la plaine sans lèvres, rien que l'écume
d'une coupe contre l'homme
contre l'homme et contre Dieu
déjà à peine figure humaine
vivant
comme un coup de feu contre l'homme.

***

"Toi et moi" - Hommage à Paul Celan

                                                  Tout poème court le rique de manquer de sens                                   
                                                  et ne serait rien sans ce risque.                                   
                                                  Derrida                                   

La vie, ce n'est qu'un risque
un risque de mourir, rien qu'un désir
permanent de mourir, en face de la chose
nue comme un oeil, comme un poisson, celui que la mort
appelait "la vie" 
face au soleil qui nous épie, vie
par le soleil vaincue, par le néant
ou cela qui est moins que néant, 
Basilide l'a dit, parce que le poème
est l'être unique auquel s'enlacent
les hommes tremblants, imprécateurs
contre l'être, et contre le mlaheur
être unique et sans fin, qui nous guette unbeau jour
Dracula, Vlade Drakula, qui a
pour seigneur le sang, la sang féroce du poème
où le fumier
dore sa symphonie, et la vie
se suspend comme un rite
comme le rituel du névrosé obsessionnel
le rite de vivre et d'écrire
comme une page debout contre la vie
serpent qui pâlit comme le souvenir
et la vision
pendant l'électrochoc
pour qu'à nouveau surgisse le silence, comme la mort
et l'horreur d'être toi, de nommer
face à la neige le mot "toi",
le mot indicible, le mot obscur
de l'être et du néant, et le mystère
du mot "toi", cependant que les hommes parlent
du secret obscur de l'être et du néant
et de la terreur d'être, et de cracher sur la bête
obscure de la vie, obscure d'être quelqu'un
face à l'être vil qui reviendra demain
m'encercler.

***



Leopoldo María Panero, fils naturel de l'Espagne et de la poésie (de l'Espagne la pire et de la poésie la plus irréductible) est encore un de ces immenses poètes dont ses contemporains ne veulent pas, parce qu'il a choisi de se faire le miroir de leur infamie, et parce que la vision qui s'y révèle, au fond de ce miroir, est sans fond, donc insoutenable. Dernier né, en 1948, d'une lignée de poètes tous plus ou moins corrompus ou mauvais, Leopoldo María Panero doit faire avec les restes. On a déjà, avant lui, pendant l'odieux festin, mâché et remâché les mots de sa langue, et comme il n'en avait pas d'autres, il ne lui restait plus qu'à les cracher, pour en faire son poème. Et c'est avec les restes noirs d'une langue usée, abusée jusqu'au déshonneur, qu'il aura sécrété ce poème impossible. Leopoldo María Panero, fils d'un "père ivrogne" aux amitiés franquistes, doit encore faire avec les restes. Les restes de l'Espagne, les restes du monde. Les restes de l'homme. Et vivre avec ce qu'on lui a laissé - de la vie. Il a connu la lutte libertaire, la clandestinité, la prison, l'alcool et l'héroïne, la dépression et le suicide. Bref, la vie moderne... des dépossédés. Puis il se retire. Ou plutôt, on le retire. Au début des années 1980, sa famille, dont il s'est fait la métaphore atroce et la peau retournée, le fait interner en hôpital psychiatrique. Peut-être dans l'idée de le neutraliser ? - le cas echéant, c'est raté.
Cédric Demangeot (extrait de la préface).

Nous découvrons, ici, avec ce volume préfacé par Cédric Demangeot, l'oeuvre de ce poète espagnol. Il contient une anthologie de textes à partir des années 80, plusieurs recueils complets (Aigle contre l'hommePoèmes pour un suicidementBonne nouvelle du désastreDanse de la mortSchizophréniques) et un dossier très instructif établi par Victor Martinez. Leopoldo Maria Panero est mort le 5 mars 2014 à 65 ans.