Henry Darger
L'histoire de ma vie
(Aux Forges de Vulcain, 2014)
Disponible ou sur commande dans (toutes) les (bonnes) librairies et sur le site de l'éditeur ici...
[Né] au mois d'avril, le 12, en l'année 1892, en quel jour de la semaine je ne l'ai jamais su, car on ne me l'a jamais dit et je n'ai pas cherché à le découvrir.
De même je ne me souviens pas du jour où ma mère est morte, ni qui a adopté ma petite soeur, car j'étais trop jeune alors, et mon oncle Charles n'a rien voulu m'en dire, ou bien n'en savait-il rien lui-même.
Mon père et moi vivions dans une maison à un étage, du côté sud d'une petite ruelle, entre Adams Street et Monroe Street.
Sur Monroe, en face de chez nous, du côté nord de la rue, il y avait deux grands lycées : l'un, situé un peu plus loin à l'ouest, pourvu d'un toit haut et pentu, de murs brun sombre et de grandes fenêtres. L'autre, à l'est, était de pierre blanc-jaune et non de brique ; sa forme était intrigante, il avait de très grandes fenêtres également. Chacun avait deux étages un quart de hauteur. Le lycée jaune avait une citerne sur le toit.
Dans notre maison, il n'y avait que deux pièces par étage : une cuisine avec un grand poêle et, dans le fond, une chambre.
Le lit était assez grand pour mon père et moi.
Le poêle nous servait pour le chauffage et la cuisine. L'été, quand il faisait très chaud, nous mangions le plus souvent au restaurant.
Notre coiffeur avait sa boutique à un pâté de maison.
Quand je vivais encore avec mon père, j'allais à l'école catholique Saint-Patrick, sur Des Plaines et Adam Street, d'abord avec les soeurs puis dans une école dirigée par une congrégation catholique.
A la maison, pour monter à l'étage, il fallait prendre un escalier extérieur.
Nos fenêtres donnaient au nord. Dans la cuisine, il n'y en avait qu'une. Mon père était Tailleur ; c'était un homme doux et facile à vivre.
J'avais deux oncles et deux tantes, eux aussi faciles à vivre. Mon cousin Harry Darger était leur fils unique. Je ne suis pas sûr de savoir quelle était leur religion. Mon oncle a eu des obsèques et un enterrement maçonniques. Il s'appelait Augustine Darger, mais on l'appelait August. Le prénom de sa femme : Emma.
Nous mangions à notre faim ; ce que je préférais, c'était les crêpes.
Il y avait en face de Halsted, son extrêmité est nous faisant face, un bel immeuble de deux étages qui prenait un quart de pâté de maison. J'allais presque tous les jours sur la terrasse du dernier étage. Un jour, j'ai été méchant ; pour faire du mal, je ne sais pas pourquoi, j'ai fait tomber un enfant de deux ans et l'ai fait pleurer. Personne ne nous a vu et l'enfant ne m'a pas dénoncé. Cet incident s'est produit sur cette terrasse du dernier étage.
Un jour, du même endroit, j'ai aperçu, vers l'est, sur Monroe Street, un grand incendie. Je ne suis pas allé voir, cela dit. Il faisait trop froid.
Mon père, en plus d'être tailleur, cuisinait très bien.
...
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Quelques liens :
L'histoire de ma vie
Revolution of the Night : the enigma of Henry Darger
Andrew Edlin Gallery
Prestel editions
Collection de l'Art Brut Lausanne
American Folk Art Museum
L'histoire de ma vie
(Aux Forges de Vulcain, 2014)
Disponible ou sur commande dans (toutes) les (bonnes) librairies et sur le site de l'éditeur ici...
Extrait :
[Né] au mois d'avril, le 12, en l'année 1892, en quel jour de la semaine je ne l'ai jamais su, car on ne me l'a jamais dit et je n'ai pas cherché à le découvrir.
De même je ne me souviens pas du jour où ma mère est morte, ni qui a adopté ma petite soeur, car j'étais trop jeune alors, et mon oncle Charles n'a rien voulu m'en dire, ou bien n'en savait-il rien lui-même.
Mon père et moi vivions dans une maison à un étage, du côté sud d'une petite ruelle, entre Adams Street et Monroe Street.
Sur Monroe, en face de chez nous, du côté nord de la rue, il y avait deux grands lycées : l'un, situé un peu plus loin à l'ouest, pourvu d'un toit haut et pentu, de murs brun sombre et de grandes fenêtres. L'autre, à l'est, était de pierre blanc-jaune et non de brique ; sa forme était intrigante, il avait de très grandes fenêtres également. Chacun avait deux étages un quart de hauteur. Le lycée jaune avait une citerne sur le toit.
Dans notre maison, il n'y avait que deux pièces par étage : une cuisine avec un grand poêle et, dans le fond, une chambre.
Le lit était assez grand pour mon père et moi.
Le poêle nous servait pour le chauffage et la cuisine. L'été, quand il faisait très chaud, nous mangions le plus souvent au restaurant.
Notre coiffeur avait sa boutique à un pâté de maison.
Quand je vivais encore avec mon père, j'allais à l'école catholique Saint-Patrick, sur Des Plaines et Adam Street, d'abord avec les soeurs puis dans une école dirigée par une congrégation catholique.
A la maison, pour monter à l'étage, il fallait prendre un escalier extérieur.
Nos fenêtres donnaient au nord. Dans la cuisine, il n'y en avait qu'une. Mon père était Tailleur ; c'était un homme doux et facile à vivre.
J'avais deux oncles et deux tantes, eux aussi faciles à vivre. Mon cousin Harry Darger était leur fils unique. Je ne suis pas sûr de savoir quelle était leur religion. Mon oncle a eu des obsèques et un enterrement maçonniques. Il s'appelait Augustine Darger, mais on l'appelait August. Le prénom de sa femme : Emma.
Nous mangions à notre faim ; ce que je préférais, c'était les crêpes.
Il y avait en face de Halsted, son extrêmité est nous faisant face, un bel immeuble de deux étages qui prenait un quart de pâté de maison. J'allais presque tous les jours sur la terrasse du dernier étage. Un jour, j'ai été méchant ; pour faire du mal, je ne sais pas pourquoi, j'ai fait tomber un enfant de deux ans et l'ai fait pleurer. Personne ne nous a vu et l'enfant ne m'a pas dénoncé. Cet incident s'est produit sur cette terrasse du dernier étage.
Un jour, du même endroit, j'ai aperçu, vers l'est, sur Monroe Street, un grand incendie. Je ne suis pas allé voir, cela dit. Il faisait trop froid.
Mon père, en plus d'être tailleur, cuisinait très bien.
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L'oeuvre de Henry Darger (1892-1973) est la plus connue et la plus étudiée parmi celles affiliées à l'Art Outsider américain. D'une amplitude facinante, elle est sans aucun doute beaucoup trop personnelle, complexe et sophistiquée pour y rester cantonnée. De nombreux livres et catalogues d'exposition existent sur cet artiste qui se proclamait "protecteur des enfants", assez facilement disponibles. Cette traduction des premières pages de son autobiographie (qui en compte presque 6000), dans une démarche attentive et passionnée, est un évènement qu'ici on espérait même pas de notre vivant ! C'est un livre indispensable... Que quelques brefs entretiens défendront beaucoup mieux qu'un long discours... Merci !
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Quelques liens :
L'histoire de ma vie
Revolution of the Night : the enigma of Henry Darger
Andrew Edlin Gallery
Prestel editions
Collection de l'Art Brut Lausanne
American Folk Art Museum