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Extrait :
La Mort
1
Avant que je naisse
Avant que je sois hérédité
Avant que je sois vie
Avant que je sois - les hiboux apparaissaient et les trains partaient
2
La Mort n'est ni une photographie
Ni une marque brûlante sur les yeux
Tout ce que je vois est Mort
Non pas la Faucheuse avec faux et sablier
Estafilade non pas crâne-os-en-croix
Ni papillon taureau
3
Ne donne point à la Mort un nom moindre
J'ai connu des morts qui l'ont appelée moindre
Un rugissement opiniâtre est une triste erreur
Non plus que vaillance une fois ressucitée soit de nouveau vaillance
4
Les hiboux ululent et le sifflement du train se dissipe
Je mendie le souffle qui me garde en vie
C'est de la poix que je vomis et de la poix que j'attends
- Un train parti est un train voué à arriver
5
L'amer voyage est achevé
Mort prends-moi sous ton aile
J'attends au terminus
Exultant de respirer ton air d'avalanche
L'édredon de mon corps s'est déversé
Je lève les pieds
Et l'employé des wagons-lits balaie
Ce qui jadis fût ma chair
6
La Mort aux mains véloces arrive comme tempête
Holà les queues de pie de svieux !
Holà les avenirs douloureux !
7
Ô quand je ferme les yeux
le noir que je vois est plus noir encore
et quand je dors le mien sommeil ne vient pas à volonté
et quand je rêve je rêve d'enfants qui font au revoir de la main
8
Tumulte désespéré tintant à la nècre mêlé
Dégel de la dense torpeur de minuit
Pullman d'or et de soie murmurante
Doubles citadins
Botte polluée faiseur de sorcières bottier cordonnier
Crime de poussière
Plisse pelisse
Dentelle désuète
Cercueil irrigué
Lèvres pourpres claquent message ce souffle désormais est étranger
Nez riant de la Mort
Semaine noire
Est morte côte à côte avec l'heure pavée
est morte de tourbillon d'édifice timides centurions
est morte sans vent sec fatal
est morte sans comprednre la dure désunion d'avec la vie
à la vie à la mort et attarde-toi semaine plus noire encore
à l'année succombée effroyable obscurité un amer périple
Ô cette Guerre Blanche
Ce crâne-neige
Ce dégel immaculé
9
Laisse au loin toutes sortes de maux de crampes et de hurlements
Repousse les atomes allégoriques
Convoque mobiles souffrances transfusions boursouflures et rétrécissements
Ravive le feu dans un café Elfique
10
Et seraient un palais dans la contrée de la Mort
Enfants-de-la-mort s'épuisant sous des portiques ensoleillés
Chevaux-de-la-mort grignotant l'herbe-de-la-mort
Roi mort et reine morte proclamant un tournoi de la Mort
Et serait le pourfendeur-de-Mort soufflant un feu froid
Et serait la Mort chevaleresque
Pucelle-de-le-mort
Sonnez clairons ! combattez
Et que tous les morts soient vengés
11
Mourrons tous
Exerçons-nous un instant
Jouons au mort quelques heures durant
Que chacun tisse d'élégants éternels suaires
bâtisse de fantastique tombeaux
sculpte des cercueils de toute une vie
et conçoive d'admirables façons de mourir allons !
Passons sous des échelles, croisons des chats noirs,
brisons des miroirs, brûlons des pattes de lapin, arrachons le 4ème pétale,
Oui ! tirons donc L'AS DE PIQUE -
Dormons sans voir verrouillé nos portes
12
Oyez sorceleur !
Enviez l'aspect de la Mort
Coudez la terre
Jakez la mousse
Donnez pleurs pour le drout de panser
Filtrez l'âme farouche
Salut pleutre de la nuit
Offrez devoir pour le besoin
Il se peut que nombre de sûrements soient en germe
Joyeux manque !
Valet impavide en plein salto !
Rougeurs bovines, maux récurés, soufre épanché,
Reflux sépulcral -
13
M'en vais donc explorer la Mort
Vantant de vieilles boules de neige à Osnag Tragaro abandonnant
Esufer Puoc dans la neige
Trompette dans une sacoche de Sourd je vais
Tantôt sur le kiosque à musique de la Mort
je blizzarderai la blanche cendrée
14
Conserves de sorcières fenouillées dans sueur de balai
Poils de loup-garou de baignoires transylvaniennes
Hé ! l'abeille à rose depuis sa septique entrave
me considère comme non scientifique -
Ô queue d'un cheval de labour italien !
Ô fermes abandonnées !
Entendez mes formules !
J'ai le moyen de ressuciter les morts
Je l'ai je l'ai et il faut pour cela m'aimer
Ô moi le SAVOIR de la Mort !
Moi sombre fou ah consolation rêves grâce miracle charlatan affreux Ô !
15
Drsxao ! Fourche Blouk enflamme des poulets
le long d'une route périlleuse
Drasxao ! as-tu une bête morte pour moi ?
16
Et le hibou sanglote
le sorzier croate
est un brin égratigné
Entendez le hibou se ranimer
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Quelle gueule ce Gregory Corso ! Aussi fulgurant que son texte ! On a aimé ce livre, qui présente en version bilingue un choix de poèmes extraits du recueil The happy Birthday of Death traduits par Blandine Longre, avec une notice biographique, une introduction de Paul Stubbs et une Postface de Kirby Olson, toutes deux s'attachant à montrer l'entrelac extrêmement complexe et savant qu'est en vérité la poésie - difficile ? - de Gregory Corso, souvent réduit à la figure du Beat sulfureux un peu plus branque que les autres (orphelin populo, taulard, rebelle, simplement lyrique...). "Sans doute le plus grand poète américain" nous dit Allen Ginsberg en 4ème de couverture, dans une accroche digne des affiches de films pourris qui sortent aujourd'hui en salles... mais pour cette fois, c'est - peut-être - vrai. Un beau complément (puisque les traductions de Gregory Corso sont rares) au volume anthologique Sentiments élégiaques américains (Christian Bourgois, 1977. Réédité en 1996) traduit par Pierre Joris. Hop !