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Gérard Duchêne (1944-2014)

Gérard Duchêne (1944-2014)


A, fragment du Journal d'Il (Gérard Adde, sérigraphe éditeur, 2011)

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Bois meurtri

Bois meurtri bois perdu d'un voyage en hiver
Navire où la neige prend pied
Bois d'asile bois mort où sans espoir je rêve
De la mer aux miroirs crevés


Un grand moment d'eau froide a saisi les noyés
La foule de mon corps en souffre je m'affaiblis je me disperse
J'avoue ma vie j'avoue ma mort j'avoue autrui


Bois meurtri bois perdu
Bois d'asile bois mort



Paul Eluard

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Gérard Duchêne est mort le 6 novembre 2014.

Philippe Boutibonnes "Album blanc..." (épisode 1)

Philippe Boutibonnes
Album blanc...
(1973)



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Une petite histoire : Il y a une quinzaine d'années environ, je trouve dans une librairie à Caen le numéro 5 de la revue TXT (mon graal de l'époque, atteint depuis pas si longtemps : constituer une collection complète de la revue). Je l'achète donc, je rentre, café et tout le bordel, et je commence ma lecture. J'ouvre et j'y trouve inséré ce texte de deux feuillets pliés, en plus d'une jolie carte pour une exposition Busto + Boutibonnes de 1973 à la Maison de la culture de Rennes.
En étudiant les écrits de l'époque des membres de TXT, je conclus qu'il s'agit d'un texte de Philippe Boutibonnes (j'ignore alors qu'il habite à Caen et avec le recul, je me dis que cet exemplaire lui a peut-être appartenu). Je ne vais pas plus loin et je referme le tout une fois lu. En 2014 seulement, je lui adresse une lettre pour avoir plus d'informations et lui demander l'autorisation de le publier sur ce blog. Répondant (avec une grande gentillesse), Philippe Boutibonnes me confirmera être l'auteur de ce texte sur André-Pierre Arnal qui fût écrit "dans un style qui lui fait honte" à l'occasion d'une exposition qui s'est tenu en 1973, peut-être à Montpellier.
En suivant ses informations, les "traces" laissées et en supposant que Philippe Boutibonnes a une mémoire facétieuse ou selon lui "chaotiquement lacunaire", il peut s'agir de l'exposition collective Supports/Surfaces de 1974 au Musée Fabre (à Montpellier donc), ou de l'exposition Arnal + Boutibonnes de 1974 à la Maison de la culture de Rennes, alors régulièrement investie par le groupe TXT. Je n'ai trouvé (ni vraiment cherché) aucun catalogue qui permette de confirmer pour quelle exposition avec André-Pierre Arnal le texte était destiné ou même s'il a finalement été publié un jour. Tout cela reste à vérifier... Maintenant, cherchez !
Inutile de préciser que ce texte, malgré les gimmicks de l'époque qui nécessitent les lunettes adaptées, n'a absolument rien de honteux... D'où sa publication, aujourd'hui, maintenant.


Un des pliages (1969-1975) de André-Pierre Arnal (210x108 cm. 1973)

Christophe Tarkos "L'enregistré"

Christophe Tarkos
L'enregistré
(P.O.L, 2014)

Disponible ou sur commande dans (toutes) les (bonnes) librairies... 


Extrait :

La sphère


Soit soi sur une sphère, soit soi sur un énorme ballon, élastique, soit soi sur une énorme boule, en équilibre, sur une jambe, soit soi sur une haute sphère tout en haut à son sommet, sur une jambe en équilibre, sur de longues jambes, une unique longue jambe en équilibre sur une haute sphère, soit soi sur une énorme boule, au sommet, sur la petite surface du dôme, soit soi sur une sphère, tout en haut d'une haute sphère, tout en haut d'une haute sphère en équilibre sur une seule jambe, soit soi saoul, sur une énorme boule, soit soi saoul, gros sur une grosse boule, en équilibre, soit soi complètement saoul sur une sphère énorme, en équilibre sur une seule jambe.

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Moi

Je suis
une personne
équilibrée.
Je lis des textes.
Je suis
une personne
autonome
et
adulte.
Je regarde
des images.
Je suis intelligent 
et
sérieux.
Je suis une personne
assise.
Je suis stable.
Je suis
un homme
d'une trentaine d'années.
Je suis installé
dans les courants de pensée.
Je suis une personne non-violente.
Je suis courtois.
Je suis un être humain
et
un homme de coeur.
Je suis de gauche.
Je suis athée.
Je suis marxiste.
Je respecte la tradition
de la révolution culturelle.
Je suis lisboète
maltais
et grec.
Je suis pour
l'avant-garde.
J'ai fait 
mes études de théologie 
à Paris.
Je parle en français.
Je possède un dictionnaire de français.
Je 'ai pas beaucoup d'argent.
Je suis dans la vicissitude.
Je suis affilié, adhérent,
Je suis pour.
Je suis pour l'O.M.,
pour Blaine,
pour Milan.
Je suis pour.
Je milite.
Je suis pour
la participation.
Je participe.
Je suis pour.
Et
je travaille pour.

***


Christophe Tarkos (1963-2004) est poète, ici et maintenant. 
L'enregistré : 1 CD (de performances toutes inédites), 1 DVD (film réalisé par Akenaton, augmenté de très nombreuses archives vidéos, entretiens, etc), et pour illustrer ce coeur plus de 500 pages de transcriptions, d'annexes organisées et informatives, une préface - brillante - de Philippe Castellin, son ami, qui justifie et commente chaque choix de son travail passionné et minutieux. Une somme indispensable, parfaitement complémentaire des Ecrits poétiques (P.O.L, 2009), des Morceaux Choisis (Les Contemporains favoris, 1995) et du CD Le petit bidon (Cactus, 2001. Malheureusement épuisé), qui trace idéalement la cohérence de l'oeuvre de Christophe Tarkos, performer incomparable et inégalé (non pas le simple lecteur, mais le porteur sincère, inquiet et radical) de ses textes. Toujours inconfortablement debout. FEU !

***

 Le petit bidon

Il est important de penser
(film hommage de David Christoffel et Katalin Molnar, 2009)

Jean-Pierre Chambon "Tout venant"

Jean-Pierre Chambon
Tout venant
(Héros-limite, 2014)

Disponible ou sur commande dans (toutes) les (bonnes) librairies...


Extraits :

Avec un crépitement
de vieille machine à écrire
la pluie d'orage aux mille doigts
saisie de fureur dactylographique
s'acharne à désécrire
les bribes de pensées
recueillies dans le cahier
laissé grand ouvert
sur la table du jardin

***

A la lisière
du bois où elle allait enfant
cueillir des violettes
la vieille dame revoit
exactement
les chenilles disloquées
la tourelle au blindage calciné
et le canon tordu
d'un tank anéanti

***

Les mots
dans leur ombre insensée persiste
portant l'écho d'une voix à venir
le rêve d'une langue transparente
tenue en réserve depuis l'enfance
qui nous ferait traverser le miroir
et dirait enfin le secret des choses

***

L'âge aura en sorte consisté
à se dépouiller
des possibilités illusoires de devenir
quelqu'un d'autre que cet homme-là
circonscrit dans son court rayon d'action
sa très modeste sphère d'influence
et qu'une circonstance fortuite
ramène aujourd'hui aux rêves confus
de sa jeunesse

***

Rameaux de prêles ombres d'ombelles
fourreau de lichen et peau de salamandre
lombrics longs comme des cordons ombilicaux
filigrane de libellule fossilisée dans la boue
bientôt s'impose à l'esprit quelque réminiscence
de la leçon sauvage des marais et des bois
quand toute chose alors balbutiait un langage
et que dans le vertige d'une flaque d'eau
s'abîmaient les corpuscules de mondes incréés

(...)

***


De Jean-Pierre Chambon, poète fantôme et défragmentant de ses presque riens, on peut lire (au moins) :
Matières de Coma (Ubacs, 1984) à chercher...
Le Territoire aveugle (Gallimard, 1990)
Le Roi errant (Gallimard,1995)
Nuée de corbeaux dans la bibliothèque (L'amourier, 2007)
Trois Rois (Harpo &, 2009) ... qui est le plus fascinant ouvrage de ce poète...(une chronique ici)

Bruno Montels (VI) "End dans tous jours"

Bruno Montels
End dans tous jours
(Carte Blanche, 1984)

Reproduction intégrale du livre initialement publié par les éditions Carte Blanche.



























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Ce livre, l'un des plus beaux publiés par les éditions Carte Blanche (dirigées par le peintre Mathias Pérez), est initialement paru au format 25 x 32 cm. Les interventions (gouache et linogravures) sont de Georges Badin, peintre issu du groupe Textruction (avec Gérard Duchêne, Jean Mazeaufroid et Gervais Jassaud) qui a illustré - véritablement enrichi - de nombreux autres livres de Bruno Montels, Hubert Luçot, Lionel Ray, Valère Novarina, Michel Butor...

à suivre...

Bruno Montels (V) : "mina l'ana"

Bruno Montels
mina l'ana
(sans éditeur, sans date)

Reproduction intégrale de la plaquette autoéditée.

















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Description : la plaquette est anonyme, sans couverture (le vif du sujet, tout de suite). Elle est constituée de 4 feuillets (format 420 x 265 mm) pliés en deux, imprimés recto verso et reliés par agrafage ; ce qui donne une plaquette de 16 pages (format 210 x 265 mm). Les textes écrits dans plusieurs polices de caractères (des letraset ? - parfois perturbés par divers éléments visuels) courent sur l'ensemble de chaque feuillet, dans tous les sens, et se trouvent donc fragmentés.
Parti-pris : numériser les "pages" comme un livre classique (dans l'ordre qu'impose leur reliure), sans se préoccuper du texte ni de son "organisation" linéaire (on peut dire qu'il n'est ici retenu que l'aspect visuel de la poésie de Bruno Montels). Pour les plus joueurs, il est toujours possible de dégrafer les feuillets et de se livrer à diverses reconstructions...

Cette plaquette intitulée par défaut "mina l'ana" (les mots les plus évidemment lisibles sur la première page qui ne sont que les fragments de ceux qui courent depuis la dernière page) que Bruno Montels avait lui-même publié (à une date inconnue, sans doute vers la fin des 80's), est emblématique des limites de l'exercice de mise en ligne de son travail (en tout cas, des limites de la numérisation sur un blog de ce type)... et de son oeuvre, surtout.
La production de Bruno Montels fût d'abord orale, donc éphémère. Son oeuvre sur papier est, elle, souvent le fruit d'un énorme travail sur le support, la matière, la typographie... manières de creuser la respiration, de décaler le sens, de déjouer l'affect (Christian Prigent en parle très bien dans son texte "Ciao, Bruno !") comme pouvaient le faire ses lectures.
Outre mina l'ana, deux livres au moins sont typiques de cette démarche (qu'on s'attachera à présenter, d'une manière ou d'une autre) :
Ils o no pioss (D'atelier, 1977). un livre (format 140 x 210 mm) constitué de 6 feuillets (545 x 420 mm) pliés en trois, imprimés recto et dont le texte (disposé dans plusieurs sens) se trouve disséminé.
L'hartmonique, s'il vit (Ecbolade, 1982). un livre (format 170 x 300 mm) constitué de 10 feuillets calque (240 x 300 mm) pliés en deux, imprimés recto verso et dont le texte (en plusieurs polices de caractères et en couleur) courant d'un feuillet à l'autre se trouve brouillé et perturbé par la superposition des impressions.

à suivre...