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Georges Darien "La belle France"
Disponible ou sur commande dans (toutes) les (bonnes) librairies et sur le site de l'éditeur ici
Extraits :
(...)
Je suis un Sans-patrie. Je n'ai pas de patrie. Je voudrais bien en avoir une mais je n'en ai pas. On me l'a volée ma patrie.
A tous ceux qui ne possèdent point, à tous les pauvres, à tous ceux qui ne sont ni les laquais des riches ni les bouffons à leur service, on a volé leur patrie. A tous ceux qui sont obligés de travailler pour des salaires dérisoires qui leur permettent à peine de réparer leurs forces; à tous ceux qui ne trouvent même pas, en retour de la sueur de sang qu'ils offrent, le morceau de pain qu'ils demandent; à tous ceux que leurs cerveaux pleins désignent à la haine et dont le large front est brisé par l'indigence comme par un casque de torture; à tous ceux qui errent le long des rues ou des routes en quête d'une pitance ou d'un gîte; à tous ceux qui renoncent à gagner leur vie et se décident à l'empoigner; à tous ceux qui crèvent dans le fossé du chemin, dans leur taudis, sur le grabat de l'hôpital ou dans la cellule de la prison; à tous ceux que tue la misère physique ou morale, ou qui se donnent la mort pour lui échapper - on a volé leur patrie.
A toutes celles dont l'immense labeur sans salaire permet à l'abjecte Société de continuer sa route imbécile; à toutes celles dont les flancs féconds fournissent aux éternels Molochs la chair humaine qu'ils réclament sans trêve; à toutes celles dont les flancs stériles sont voués aux luxures assoupissantes et dont les baisers mettent le baume du vice sur les plaies vives de l'universelle détresse; à toutes celles dont l'intelligence, la bonté, la délicatesse et la grandeur d'âme sont étouffés ainsi que des plantes mauvaises; à toutes celles qui sont victimes, esclaves, damnées - on a volé leur patrie.
Aux tout petits, dont l'âme à peine ouverte est flétrie par les émanations pestilentielles du marécage social; aux enfants dont l'esprit a conçu des rêves que la liberté aurait fait naître grandioses, et que font avorter les grilles de la misère - on a volé leur patrie.
Aux armées de pauvres, aux hordes de misérables, et même aux bandes de brigands - on a volé leur patrie.
Je crie : Au voleur !
De tous les hommes auxquels on fait croire que le patriotisme est un sentiment abstrait, indéfinissable, qu'il ne faut point tenter d'expliquer, mais pour lequel il est utile et glorieux de souffrir et de mourir- on a chouriné l'esprit afin de les empêcher de voir ce que c'est que la patrie.
De toutes les femmes auxquelles on persuade qu'elles doivent, par patriotisme, mener une existence de dévouement morne et stérile, de noire abnégation, qu'elles doivent sacrifier sans espoir de récompense leur vie, leurs affections, leurs rêves et les fruits de leurs entrailles - on a étranglé l'âme et arraché le coeur afin de les empêcher de voir ce que c'est que la patrie.
De tous les enfants dont on farçit le cerveau d'abominables et ridicules légendes et des infâmes leçons du catéchisme religioso-civique - on a étouffé l'intelligence afin de les empêcher de voir ce que c'est que la patrie.
De tous ceux qui travaillent, qui peinent, qui souffrent, et qui n'ont rien - on a tué l'énergie afin de les empêcher de voir ce que c'est que la patrie.
Je crie : A l'assassin !
Je crie révolte, et je crie vengeance. Je crie : En voilà assez !
(...)
***
Le goût n'est pas seulement
une indication de moralité;
c'est la seule moralité.
RUSKIN
En effet, quelle que soit la cécité morale du peuple et quelque attaché qu'il soit à son aveuglement, il viendra bien un moment où il sera obligé de s'apercevoir que ce qu'on lui donne comme gaîté n'est que désolation; que ce qu'on lui donne comme esprit n'est que misérable sottise; que ce qu'on lui donne comme force n'est que pitoyable faiblesse. Il s'apercevra alors que les calembours de vaudeville, les flons-flons du café-concert, l'assourdissante chaudronnerie des musiques militaires, le rire gras de la presse à scandales et les hoquets hytériques de la littérature patentée sont les éléments nécessaires de l'épouvantable cacophonie qui doit étouffer ses gémissements, ses plaintes et ses cris de révolte. Il s'apercevra de tout ce qu'il y a de dégradant et d'abject dans son acceptation d'une oppression intellectuelle aussi grossière, dont les motifs sont aussi clairs à deviner et les résultats aussi faciles à constater. Il se rendra compte que c'est en lui, en lui seul, que résident la joie, l'esprit et la force. Et l'exaltation que produira cette découverte lui donnera l'énergie au nettoyage définitif de l'intelligence française, depuis si longtemps déshonorée, salie et corrompue par les dégoûtants coquins de la bourgeoisie. (...)
***
Le présent état de choses n'est sûrement pas le résultat d'un pacte librement consenti entre dirigeants et dirigés. Mais, s'il l'était, il ne pourrait certainement pas être défendu avec plus d'obstination par les deux parties contractantes. Quand on pense aux luttes de toute nature que les Pauvres ont à endurer afin de ne point sortir du rôle passif qui leur est assigné dans la tragi-comédie sociale, on se demande si réellement c'est la manque de courage qui les empêche d'essayer de modifier la situation. De fait, ce n'est pas le manque de courage, en termes précis. C'est la fragmentation de ce courage; la division jusqu'à l'infini de leurs facultés énergiques. Ce sectionnement des forces morales du peuple a été pratiqué avec une grande habileté, principalement par la création de soi-disant devoirs et de prétendus droits politiques, qui n'existent effectivement ni les uns ni les autres. Par exemple, on est arrivé à convaincre le Pauvre que voter, c'est remplir un devoir, accomplir un acte. Il l'a cru. Il n'a pas vu que c'était simplement renoncer à agir. Il n'y a pas d'action indirecte. Un mandant est un homme qui refuse de faire oeuvre personnelle; un mandat est une abdication; un mandataire est un être qui fonctionne par ordre, ou plutôt - car c'est nécessairement un imbécile ou un misérable - qui fait semblant de fonctionner en vertu d'un ordre. La vaniteuse lâcheté confie le soin de ses destinées à l'ambition stérile. Résultat logique : néant. Voilà le devoir; voilà le droit; voilà l'acte. (...) Les pauvres semblent avoir à coeur de perpétuer l'état social actuel, dans lequel ils crèvent lamentablement et vivent plus lamentablement encore. Ils paraissent considérer cet état social comme une situation rationnelle, basée sur la concorde; comme l'expression, aussi parfaite que possible à la pauvre humanité, d'une harmonie préétablie. Ils sont tellement anxieux de ne la troubler en aucune façon qu'ils ont encombré leur route vers le progrès et le bonheur, où quelquechose les appelle malgré eux, d'une multitude d'obstacles d'aspect menaçant et terrible.
(...)
***
... Et ça cogne comme ça pendant les 380 pages de cette réédition - enfin - non caviardée du livre (contrairement à celle de Jean-Jacques Pauvert qui ne voulait pas froisser ses amis marxistes) enrichie d'un index précieux, où tout le monde en prend pour son grade : riches, pauvres, cognes, nationalistes, marxistes, militaires, antisémites, socialistes, bourgeois, catholiques... Une leçon de coeur et d'anarchie !
Roger Gilbert-Lecomte "La vie l'amour la mort le vide et le vent"
Disponible ou sur commande dans (toutes) les (bonnes) librairies et sur le site de l'éditeur ici...
Extraits :
Monsieur Crabe, cet homme cadenas
Merci j'éternue du sol le plus creux d'où les os les pleurs les oiseaux de la peur montent et sautent à la corde des puits de feu de la nuit de la fin des mondes et des dieux il semble que parfois et toujours si l'on vient préviens-moi je serai sur mes gardes et la peur qui s'enfuit par les fentes des nuits les failles de la mémoire les courbures du ciel et les hanches des marbres aplatira tout court il demeure évident pour quelques-uns dont l'âne que l'heure est grave et la moisson sempiternelle des comètes et des coccinelles ne laisse rien prévoir du prochain déluge qui attend debout derrière la porte de l'occident des grandes eaux l'espace diminue à vue d'oeil et prend la forme d'une oreille à laquelle on ne peut plus s'habituer malgré la sincérité désespérée des efforts dérisoires tant il est dur de se faire à l'oreille lorsqu'on a vécu d'espérance depuis la plus tendre enfance à fond de cale et faction dont les phénomènes particulièrement pointus furent rendus par l'éminent Boeuf s'il peut agir de lui dans ce cas éclairant occupez-vous plutôt des scies du ciel et des offrandes je dis j'offre et je prends de ma main rapace et pourrissante ce que je donne en retenant entre les dents des éboulis de cris à m'en boucher la bouche flambons ensemble enfant trop belle flambons en flamme à l'unisson brisante amante dans la sécheresse éperdue des cendres chaudes et des manchots rôtis dont les jambes sont déjà loin disparaissent derrière la courtine de l'horizon qui court en rond l'anneau du ciel qui tourne parce que c'ets là son rôle le plus vain mais le plus vénéneux il ne reste plus rien dans cette coupe creuse que l'écho mort et renaissant tous les mille ans de l'antique appel dont le son déchirant a pénétré la première nuit de l'intérieur de l'homme de cette grande horreur que l'on a dit panique alors qu'elle est sans nom tais-toi au premier tournoiement des frondes la voie lactée se décroche et se noue en écharpe autour de la statue en forme de poire élevée à la mémoire des morts de rire étouffant fin tragique
(La vie l'amour la mort le vide et le vent)
***
Le fils de l'os parle
Je frappe comme un sourd à la porte des morts
Je frappe de la tête qui gicle rouge
On me sort en bagarre on m'emmène
Au commissariat
Rafraîchissement du passage à tabac
Les vaches
Ce n'est pas moi pourtant
Qui ai commencé
A la porte des morts que je voulais forcer
Si je suis défoncé saignant stupide et blême
Et rouge par traînées
C'est que je n'ai jamais voulu que l'on m'emmène
Loin des portes de la mort où je frappais
De la tête et des pieds et de l'âme et du vide
Qui m'appartiennent et qui sont moi
Mourrez-moi ou je meurs tuez-moi ou je tue
Et songez bien qu'en cessant d'exister je vous suicide
Je frappe de la tête en sang contre le ciel en creux
Au point de me trouver debout mais à l'envers
Devant les portes de la mort
Devant les portes de la mer
Devant le rire des morts
Devant le rire des mers
Secoué dispersé par le grand rire amer
Epars au delà de la porte des morts
Disparue
Mais je crie et mon cri me vaut tant de coups sourds
Qu'assommé crâne en feu tombé je beugle et mords
Et dans l'effondrement des sous-sols des racines
Tout au fond des entrailles de la terre et du ventre
Je me dresse à l'envers le sang solidifié
Et les nerfs tricoteurs crispés jusqu'à la transe
Piétinez piétinez ce corps qui se refuse
A vivre au contact des morts
Que vous êtes pourris vivants cerveaux d'ordures
Regardez moi je monte au-dessous des tombeaux
Jusqu'au sommet central de l'intérieur de tout
Et je ris du grand rire en trou noir de la mort
Au tonnerre du rire de la rage des morts
Loin des portes de la mort où je frappais
De la tête et des pieds et de l'âme et du vide
Qui m'appartiennent et qui sont moi
Mourrez-moi ou je meurs tuez-moi ou je tue
Et songez bien qu'en cessant d'exister je vous suicide
Je frappe de la tête en sang contre le ciel en creux
Au point de me trouver debout mais à l'envers
Devant les portes de la mort
Devant les portes de la mer
Devant le rire des morts
Devant le rire des mers
Secoué dispersé par le grand rire amer
Epars au delà de la porte des morts
Disparue
Mais je crie et mon cri me vaut tant de coups sourds
Qu'assommé crâne en feu tombé je beugle et mords
Et dans l'effondrement des sous-sols des racines
Tout au fond des entrailles de la terre et du ventre
Je me dresse à l'envers le sang solidifié
Et les nerfs tricoteurs crispés jusqu'à la transe
Piétinez piétinez ce corps qui se refuse
A vivre au contact des morts
Que vous êtes pourris vivants cerveaux d'ordures
Regardez moi je monte au-dessous des tombeaux
Jusqu'au sommet central de l'intérieur de tout
Et je ris du grand rire en trou noir de la mort
Au tonnerre du rire de la rage des morts
(La vie l'amour la mort le vide et le vent)
***
Je veux être confondu...
ou
La halte du prophète
A Claude Sernet
Vous vous trompez je ne suis pas celui qui monte
Je suis l'autre toujours celui qu'on attends pas
Ma face sous le masque rouge gloire et honte
Tourne au vent que je veux pour seul guide à mes pas
J'assumerai l'immobilité des statutes
Sous la colère de l'orage aux gestes tors
Qui rompt au sol vos fronts ruines abattues
Mais me laisse debout n'ayant raison ni tort
Qu'espérez-vous de moi seul droit dans la tourmente
Terriblement absent roide et froid sans sommeil
Pour parler aux vieux morts il faut trouver la fente
Par où filtre un rayon noir de l'autre soleil
Et si je tombe avant le soir sur la grand'route
La face contre terre et les deux bras en croix
Du fond de tout l'influx de force sourd en moi
Je me redresserai pour la nuit des déroutes
Et je remonterai vers vous comme la voix
Des grandes eaux hurlant sous les nocturnes voûtes
Avant l'heure et le signe advenus laissez-moi
Laissez-moi seul vous tous qui niez le prophète
Transmuant toute vie en un retrournement
Du sens illuminé par d'immortels tourments
Laissez-moi dans le vide atroce de ma tête
Confondant confondu confondu confondant
(Le miroir noir)
***
"Ecrivant peu, je me promets de n'écrire que l'essentiel." Et l'essentiel de Roger Gilbert-Lecomte (1907-1943) est démesuré ! Car dans l'oeuvre de ce poète consumé, d'abord collective avec Le Grand Jeu, qui reste à peu près le seul groupe que Père André Breton n'a pu baiser (on se reportera à l'indispensable réédition de la revue en fac-similé publiée par Jean-Michel Place en 1977 et disponible ici. Sinon à l'anthologie Les Poètes du Grand Jeu établie par Zéno Bianu publiée par Poésie/Gallimard en 2003) puis continuée sans plus de concessions dans la solitude de celui qui "vécut à la limite de l'individu", on lit toute l'enfance emmenée dans "la chaîne sans fin des négations"... et ça résonne toujours méchamment, depuis Antonin Artaud, Stanislas Rodanski et jusqu'à aujourd'hui à travers Cédric Demangeot (qui lui a consacré un essai intitulé Votre peau n'a pas toujours été votre limite publié par Jean-Michel Place en 2001) ou le rare F.J. Ossang, entre autres exemples d'intensité et d'intransigeance. Bref ! Un poète résolu ("...à tout pour, selon les occasions, saccager, détériorer, déprécier, ou faire sauter tout édifice social, fracasser toute langue morale, pour ruiner toute confiance en soi...") et qui n'a joué qu'une fois !
Cette réédition des deux recueils publiés du vivant de Roger Gilbert-Lecomte, après le récent volume des Ecritures (Une plaquette dense constituée d'un choix de textes et d'une postface de Franck Guyon parue aux Editions Marguerite Waknine en 2014), continue donc d'enrichir un corpus de publications et de commentaires brillants (malheureusement souvent indisponibles, comme ceux de Alain et Odette Virmaux publiés chez Belfond et Rougerie, ou l'essai de Christian Noorbergen publié chez Seghers)... En attendant la prochaine réédition (enfin ! on commençait à croire à une rédition !) des Poésies complètes prévue chez Poésie/Gallimard en 2015.
S.P.K. "Paradiso"
***
Un nouveau CD bootleg de SPK enregistré live en 1987 au Paradiso à Amsterdam. Période plus apaisée donc (avec de nombreux extraits du mythique album ambient Zamia Lahmani : Songs of Byzantine Flowers). Hop !
Larevue*
Disponibles ou sur commande dans (toutes) les (bonnes) librairies...
Extrait :
Bruno Fern 2 lignes
Toute l'écriture est de la cochonnerie (1)
TOUTE
à condition qu'elle se touche aux extrémités à la syntaxe la fasse touiller aux commissures tourner à la vitesse
L'E
carte telle qu'en elle-même l'accule dans ses derniers qu'impose la texture qu'atteignirent les Athéniens quand l'eurent dans le baba dans l'os et pas qu'un peu la lèche à fond l'expulse la pousse un
CRI
à déformer sous les effets spéciaux de l'écrit qu'une voix quasi inconnue au répertoire s'escrime à balancer par-dessus bord vers l'avant
TURE
tu parles histoire de moins patauger d'dans de s'en enlever une couche qui tient déjà assez comme ça une dose de confiture de perles jetées à qui l'
EST
ici devant vous faisant mais pas gêné en apparence
DE
s'y voir exposé aux yeux multiples de 2 sans queue ni nom précisé dans la notice de s'y mettre en position de
LA
montrer sa / son / ses même avec parties fines laissées dans l'ombre pour des raisons + ou - dépendantes de la volonté c'est quoi qu'on dise trop tard pour lâcher le morceau engagé jusque là dans le lard dans la masse ponctuée si on la reluque bien d'impacts de tous poils et de pores par où filer de bâtons sur cahier d'écolier à la lettre (2) près and
CO
naissant à chaque reprise fait écho crève d'autant la mâ
CHONNE
sa chanson contre la peur (3) et avale au passage divers sucs avec amplification sonore car du coup renchérie par l'autre bout effectuant ainsi un simple transfert de charges un
RIE
un qui fasse la différence dure tant qu'il peut lancé à la face aux parois variées sans s'y croire purifié dans l'oeuf puisqu'en fait jamais il n'y a eu d'origine (4)
1 - Antonin Artaud
2 - "De fait, quand il eut le cahier, il se mit consciencieusement à faire des bâtons... deux pages de bâtons, qui peu à peu devinrent des lettres." (Paul thévenin, Antonin Artaud, ce Désespéré qui vous parle).
3 - Norge
4 - Zanzotto
***
Extrait :
Dominique Quélen Oiseaux
Il neige. Vas-y pas seul. Ca a été bâclé en un clic. Notre chant. Tu y as équarri un âne et deux boeufs. L'assez longue exécution tire de haut en bas l'animal et on oeuvre bien. Ca prend forme. A une fin est la petite vie une heure ou douze en tout vouée. Buvant. Allant au pas vers le charnier. J'ai nommé charnier la réserve. Au pire ne buvant rien d'eau. En voyant l'heure être la petite aiguille ! Une capacité prend peu de l'oeuvre et a achevé l'eau obtenue de moi. Exécution de l'ordre. L'A B C vient et on est équarri ici. Tel chant a décru qui un jour non. Il a l'espace. Il y va. Y est-il ?
Il fait ça. Il se mange et saisit. On est par deux et de l'eau est à l'oreille. L'oeil et toi pendez. Il faut que ça lui manque. Ca manque. Prends cette oreille. Chose à ne pas qu'il soit. Il est dans ça et le vide. C'est vrai. Puis mon sentiment issu de tous a logé la douleur. La vie avance. Un acte de la vie est proche. La belle santé de leur sentiment ici ! Mon vrai calme vient le matin et c'est bon. Fasse qu'une vive chose arrive ! Cette émotion manque trop. Nous lui manquons et il manque vous et toi. L'oreille va observer l'oeil. C'est par jeu. Aussi se rattrape-t-il.
(...)
La clarté et le mécanisme vont. De la force est telle que notre condition va en se tournant. On reconnait tout. Au loin ressent ou prend jusque dans l'os l'oeil le silence. Ton sombre feu a un éclat ici. Ayez de l'or. Payez. Sa lueur est de nature instable et vive. On est de l'ordre d'un son. Veillons à être quatre. Ne venons pas être fictifs. Du son jaillit bien de notre bouche et dans la nature. On reproduit sa force. C'est de l'eau. Un éclat très fin sombre dans ceci et le bois reste dans l'arbre. Toi ou moi tombons. Au dé on reconnaît l'os. Le mot se dit à condition d'user de telle langue. L'ut de notre mécanisme produira un la.
***
Christian Bernard ¿Aquoibonqu'àca? (neuf sonnets 2013-2003)
(...)
4. Moriturus
Moriturus que fais-tu de ta finitude sinon de tirer sur
la corde ? Et si tu aboies tu n'y crois pas tu le tais tu fais
tapis comme si tu t'accommodais du déni c'est tant pis
Supposons un moment qu'il en aille autrement qu'il y ait
autre chose que des myriades de poussières mercurielles
des flux alternatifs des monades nomades - Ce ne serait
pas lemonde ? Parlez dans l'hygiaphone Merci de na pas
faire d'histoires à défaut de la faire à défaut de l'écrire à
défaut d'y comprendre quoi ? Merci bien Il faudrait trop
de sparadrap pour panser les couchers de soleil ne pas
perdre le fil le nord la face rester sans voix regarder sans
voir On a beau dire on aimerait cueillir les crépitements
de l'être à la source on aimerait que les lettres ne noir
cissent pas à l'écran magique pour rien ou pour si peu
mars 2006
5. Feel back
Retour aval haha lent focus vers l'allégorie
de la taverne oui la taverne théâtre sombre
Regarde, les films pleuvent comme des serpentins
fades sur les tamis tremblés de la mémoire
Rebours à nouveau silouhette s'éloignant gris fantôme
plan de coupe entre deux pôles ("du sixième étage")
Les conditions mesurées au seul réel les rails éblouis
rayant la nuit les objets regardés les invisibles les
révélés à l'infra-rouge et les impensés les non -
La pellicule a peu à peu perdu son pouvoir de
fascination olfactive respire ce flacon d'acide acédique
remémore encore l'odeur de svyniles neufs
qui signait l'excitation des boutiques de disques
- L'une et les autres qui s'en souvient ?
28-29 janvier 2006
***
Charles Racine Collier, anneau, soeur (extrait)
La musique de la Néance montait dans l'air fermé
Elle dansait autour de la coupe et pénétrait dans le breuvage
Cette naissance de fiel et de musique délectait mes lèvres invinées
Le coeur chancelant battait où nulle rumeur n'était
le coeur traqué par Soeur Folle qui battait le rappel
Blottie sur les heures céda au soupir
qui sortit de sa glaise de sa matière m'environnait
Le temps tombait en neige Sujet bref d'existence
où s'évanouit la main éloignée par l'effaçade
Mon corps en proie au silence s'élança vers la coupe
et l'air triste et mouillé fit baver mes lèvres
qui pleurent d'entendre la musique de la Néance
1945
***
C'est, entre autres, Philippe Boutibonnes, Bruno Fern, Dominique Quélen, Typhaine Garnier, Daniel Pozner... et même les "fonds de tiroirs" de Charles Racine (poète suisse trop méconnu) que nous avons aimé dans Larevue* co-animée par Mathieu Nuss et Bruno Fern, revue placée sous le signe de la "variété dans l'esprit", publiant sans commentaire ni présentation écrivains, poètes et plasticiens. Le mise en place brute, austère même (malgré le papier glacé et l'espace laissé par le format choisi) de cet ensemble pour le moins hétérogène a le grand mérite, à défaut de parti-pris radical (qui manque en un temps de manque), d'exhiber la puissance - drôle, inquiète, inventive, intriguante - de quelques-uns qui, par un méchant effet réfléchissant en fadassent sèchement quelques autres. "Totalement engagés dans l'activité de la lecture" (cf le quatrième de couverture du numéro 2013 qui cite Ossip Mandelstam), on arracherait plusieurs pages rageusement (on est pas des modèles de tolérance ici, même si on s'attache à varier dans notre esprit, pas nécessairement pour plaire d'ailleurs. cf le quatrième de couverture du numéro 2014 qui cite François de La Rochefoucauld) ! Joies de l'éclectisme et risques de "l'ouverture", aussi exigeante soit-elle, sans aucun doute... Hop ! Tout ce qu'il y a à savoir sur la revue ici.
Ravin "S/T"
Quelques réactions :
Il faut fusiller Ravin ! (Charles Péguy)
Prends ça dans ta gueule, bâtard ! (Stéphane Recrosio)
Ce qui ne nous tue pas nous rend plus anarcho-punk... (Friedrich Nietzsche)
Je sais pas, mélodiquement, y'a un truc qui coince, je trouve ça pauvre. (Paul McCartney)
Je sais pas, mélodiquement, y'a un truc qui coince, je trouve ça pauvre. (Paul McCartney)
... hélas comme vous pouvez le constater, les électrochocs ont leurs limites. (Dr. Gaston Ferdière)
Ils ont visiblement du mal à faire passer le message. Comment qui ? Hein ?? De ?... (Ludwig Wittgenstein)
Les friches industrielles de Mulhouse, c'est ce que je préfère après l'Argentine et la Russie. (F.J. Ossang)
Note pour moi-même : vite écrire "La musique et ses monstres". (Christian Prigent)
Les friches industrielles de Mulhouse, c'est ce que je préfère après l'Argentine et la Russie. (F.J. Ossang)
Note pour moi-même : vite écrire "La musique et ses monstres". (Christian Prigent)
Je suis certaine qu'ils ont fait de la taule ces cons là ! (Fabienne Heudron)
Au revoir. (Valéry Giscard d'Estaing)
Ich denke, also bin. (KG)
Au revoir. (Valéry Giscard d'Estaing)
Ich denke, also bin. (KG)
Ich bin. (K)
Bref : un chef d'oeuvre !
Collectif "Ballades & Doïnas (Poésie orale roumaine)"
Collectif
Ballades & Doïnas
Poésie orale roumaine
(Folle Avoine, 2014)
Disponible ou sur commande dans (toutes) les (bonnes) librairies...
Extrait :
DOÏNAS ET AUTRES CHANTS DE MORT
Tout' lumière a disparu,
Des vivants il n'y en a plus.
Seul' la lampe de ma belle
Comme une étoile étincelle.
Elle a pensé : j'irai chez elle,
J'irai bien loin dans la nuit
Jusqu'à rencontrer la mort,
Qui m'mettra dans un cercueil
Tout seul avec le Bon Dieu.
Cercueil de planches mouillées,
Où la mort ne peut entrer,
Où l'amour toujours se tait.
*
Si je mourais un beau printemps,
Les oiseaux me feraient un chant,
Le ventelet un bercement,
Les oiseaux se lamenteraient,
Et de fleurs me recouvriraient,
Les arondes m'emporteraient,
Le coucou ferait une croix
D'un rameau de pommier pour moi.
***
DOÏNAS DES CONSCRITS (DOINE DE CATANIE)
Celui qu'a inventé l'armée,
Qu'la misèr' le ronge à jamais !
Qu'son cheval se méfie de lui,
Qu'il coup' du bois pour ses enn'mis,
Que sa vache reste tarie,
Qu'il soit laquais chez son enn'mi.
Qu'il suiv' le chemin que je suis,
Qu'il aill' mendier de porte en porte,
Jusqu'à c'que ses os de lui sortent.
*
La maudite armée, Joug de fer,
Mène les jeunes gens sous terre;
La maudite armée, joug d'airain,
Mène les jeun' gens comme un rien.
Celui qu'a inventé l'armée,
Que le désert rong' son foyer,
Ses enfants finiss' va-nu-pieds !
Je n'étais pas bon pour l'armée,
Je n'suis pas prêt à me marier.
Les hommes m'enjoignent en choeur
A prendre une femme sur l'heure,
Que je n'ailelpas voir les leurs.
*
Ô mont, ô mont, dure pierraille !
Laisse les vaillants, qu'ils s'en aillent,
Qu'ils gagnent une bergerie
Et coupent au sort de conscrit.
Plutôt mourir de faim au bois
Qu'être aligné dans un convoi,
Plutôt dans les bois m'égarer
Que d'avancer en rangs serrés,
Plutôt la plume du berger
Que conscrit chez les étrangers !
Que reste à jamais sans repos
Qui m'a mis l'armée sur le dos.
***
Vasile Alecsandri (1821-1890), poète roumain.
Il fût un des premiers à recueillir et regrouper les poésies populaires de Roumanie.
Un choix établi et traduit par Benoît-Joseph Courvoisier... qui signe également l'introduction, riche et informative (origine de la langue, des chants, classements et problématiques de ceux-ci...). Dommage que ce travail (important et rare) ne soit pas plus énergiquement porté par l'éditeur (site à l'abandon, aucune presse... de sorte que vous devrez, amis, chercher l'ouvrage et, si vous vivez dans un trou paumé, compter comme nous sur un heureux hasard pour découvrir son existence...), même si disant cela, nous n'oublions pas que c'est publié, courageusement... Nous n'avons rien à ajouter... car "Dans ce monde, tout finit par une chanson haïdouque".
Jacques Thomassaint "Ar Garediged"
Toujours disponible sur le site des défuntes éditions Cynthia 3000 ici...
Extrait :
10 . Combat contre l'Immonde
l'Informe (dit aussi l'Immonde) hésite titube glisse sur l'humus racle sol du ventre pustules ouvre la gueule bave immondices langue où se collent terre excréments larves feuilles joncs détritus sang le cou s'incline tombe tête entre les pattes s'écartent repoussent troncs souches et branches s'immobilise caillots souffle bronches gargouilles jets aspire l'air le rejette aspire rejette hoquette sang ossements crâne phalanges iliaques bile vomissements chairs foetus plumes poils cheveux becs ongles eaux sanie germes
l'Aventureux se relève avance marche enfonce les jambes dans les coulures piétine malaxe des talons yeux foies os approche de
l'Immonde retient le souffle lève le tranchet frappe lève frappe le sang retombe sur la tête coule sans le cou dos reins fesses cuisses se mêle à la sueur frappe frappe frappe frappe frappe la tête se détache roule sur le côté le sang jaillit de la carotide recule glisse tombe mains dans les coulures le sang le recouvre l'asphyxie rampe sur le côté se dégage va vers la tête pose son tranchet ouvre des deux mains la gueule crocs venins maintient d'une branche la gueule ouverte reprend le tranchet sectionen la langue la prend dans la main la glisse dans la chemise se relève pousse la tête du pied jusqu'au bord de la pente tombe dans la mousse humus feuilles insectes la tête roule cascade au long de la pente détruit herbes insectes incendie sable pierre traces fumerolles consument pierre joncs s'arrête au marais palpitations bulles boue jaillit le geyser vapeurs effluves brouillards fétidités montent aux cimes des saules peupliers chênes charmes les effeuillent écorce squelettes tordus branches l'air s'empuantit soufre carbone chlore amoniac montent atteignent bouvreuils rouges-gorges mésanges faucons bécasses éperviers chouettes tombent pierres plumes taches sur le vase tremble l'arbre racines sous l'écume frissonne s'incline se fend par le milieu tombe cime dans le marécage éclabousse la rive gouttes morceaux de tourbe alcools acides fumées troue la terre en tourbillons s'échappe l'air s'abat dendrite sigillaire sur le corps de
l'Immonde écrase pustules abcès tumeurs sur le flac atteint
l'Aventureux gisant près de la souche coule contre le corps s'insi- nue sous les vêtements pénètre la bouche narines contre la terre la coulée arrive au rivage se mêle aux eaux qu'elle épaissit traverse descend se mêle à la vase refroidit durcit se solidifie obstrue les sas du lac les eaux montent une nuée becs plumes descend s'abat sur le corps de
l'Informe becquètent pioches déchirent la peau ouvrent les chairs crachent ingurgitent défèquent sur les plaies s'affaissent ailes pattes tombent glissent s'amassent ouvrent reçoivent chairs s'entassent recouvrent le corps disparaît sous les plumes l'eau monte lave les rives des traces de
la Bête soulève oiseaux branches feuilles les éloigne vers son cen-tre monte clapote à la souche où l'Aventureux gît le soulève le balance nacelle nef tronc le porte brise fraîcheur brume le lave le tourne l'irise arc en ciel né d sexe traverse l'espace s'enracine de
l'Amante les eaux déposent
l'Amant sur la rive où l'arc disparaît fond se dissout repose bras le long du corps tête nuque au sol la langue de
l'Immonde sur la poitrine le chien flaire pousse du museau le corps gisant le renverse la langue roule dans l'herbe grésille l'animal s'enfuit les eaux cessent leur montée portent le corps du
Monstrueux en leur centre l'egloutissent geyser gouffre tourbillon la surface se lisse où les reflets des peupliers saules chênes se flouent dans l'ombre du crépuscule
(...)
***
Voilà ! Une "version" (une vision même !) de la légende de Tristan et Iseut bien dégraissée, bestiale, primitive et violente... C'est aussi beau et tranchant qu'un bois gravé de Urs Graf et ça n'a plus rien de courtois ! Il convient de le préciser : c'est un ovni dans la bibliographie de Jacques Thomassaint (1942-2013), dont l'oeuvre nous est ici complètement "étrangère" (et à de rares exceptions près, nous souhaitons qu'elle le reste)... Mais alors quel ovni ! Hop !
Gregory Corso "Le Joyeux Anniversaire de la mort"
Disponible ou sur commande dans (toutes) les (bonnes) librairies et sur le site de l'éditeur ici...
***
Extrait :
La Mort
1
Avant que je naisse
Avant que je sois hérédité
Avant que je sois vie
Avant que je sois - les hiboux apparaissaient et les trains partaient
2
La Mort n'est ni une photographie
Ni une marque brûlante sur les yeux
Tout ce que je vois est Mort
Non pas la Faucheuse avec faux et sablier
Estafilade non pas crâne-os-en-croix
Ni papillon taureau
3
Ne donne point à la Mort un nom moindre
J'ai connu des morts qui l'ont appelée moindre
Un rugissement opiniâtre est une triste erreur
Non plus que vaillance une fois ressucitée soit de nouveau vaillance
4
Les hiboux ululent et le sifflement du train se dissipe
Je mendie le souffle qui me garde en vie
C'est de la poix que je vomis et de la poix que j'attends
- Un train parti est un train voué à arriver
5
L'amer voyage est achevé
Mort prends-moi sous ton aile
J'attends au terminus
Exultant de respirer ton air d'avalanche
L'édredon de mon corps s'est déversé
Je lève les pieds
Et l'employé des wagons-lits balaie
Ce qui jadis fût ma chair
6
La Mort aux mains véloces arrive comme tempête
Holà les queues de pie de svieux !
Holà les avenirs douloureux !
7
Ô quand je ferme les yeux
le noir que je vois est plus noir encore
et quand je dors le mien sommeil ne vient pas à volonté
et quand je rêve je rêve d'enfants qui font au revoir de la main
8
Tumulte désespéré tintant à la nècre mêlé
Dégel de la dense torpeur de minuit
Pullman d'or et de soie murmurante
Doubles citadins
Botte polluée faiseur de sorcières bottier cordonnier
Crime de poussière
Plisse pelisse
Dentelle désuète
Cercueil irrigué
Lèvres pourpres claquent message ce souffle désormais est étranger
Nez riant de la Mort
Semaine noire
Est morte côte à côte avec l'heure pavée
est morte de tourbillon d'édifice timides centurions
est morte sans vent sec fatal
est morte sans comprednre la dure désunion d'avec la vie
à la vie à la mort et attarde-toi semaine plus noire encore
à l'année succombée effroyable obscurité un amer périple
Ô cette Guerre Blanche
Ce crâne-neige
Ce dégel immaculé
9
Laisse au loin toutes sortes de maux de crampes et de hurlements
Repousse les atomes allégoriques
Convoque mobiles souffrances transfusions boursouflures et rétrécissements
Ravive le feu dans un café Elfique
10
Et seraient un palais dans la contrée de la Mort
Enfants-de-la-mort s'épuisant sous des portiques ensoleillés
Chevaux-de-la-mort grignotant l'herbe-de-la-mort
Roi mort et reine morte proclamant un tournoi de la Mort
Et serait le pourfendeur-de-Mort soufflant un feu froid
Et serait la Mort chevaleresque
Pucelle-de-le-mort
Sonnez clairons ! combattez
Et que tous les morts soient vengés
11
Mourrons tous
Exerçons-nous un instant
Jouons au mort quelques heures durant
Que chacun tisse d'élégants éternels suaires
bâtisse de fantastique tombeaux
sculpte des cercueils de toute une vie
et conçoive d'admirables façons de mourir allons !
Passons sous des échelles, croisons des chats noirs,
brisons des miroirs, brûlons des pattes de lapin, arrachons le 4ème pétale,
Oui ! tirons donc L'AS DE PIQUE -
Dormons sans voir verrouillé nos portes
12
Oyez sorceleur !
Enviez l'aspect de la Mort
Coudez la terre
Jakez la mousse
Donnez pleurs pour le drout de panser
Filtrez l'âme farouche
Salut pleutre de la nuit
Offrez devoir pour le besoin
Il se peut que nombre de sûrements soient en germe
Joyeux manque !
Valet impavide en plein salto !
Rougeurs bovines, maux récurés, soufre épanché,
Reflux sépulcral -
13
M'en vais donc explorer la Mort
Vantant de vieilles boules de neige à Osnag Tragaro abandonnant
Esufer Puoc dans la neige
Trompette dans une sacoche de Sourd je vais
Tantôt sur le kiosque à musique de la Mort
je blizzarderai la blanche cendrée
14
Conserves de sorcières fenouillées dans sueur de balai
Poils de loup-garou de baignoires transylvaniennes
Hé ! l'abeille à rose depuis sa septique entrave
me considère comme non scientifique -
Ô queue d'un cheval de labour italien !
Ô fermes abandonnées !
Entendez mes formules !
J'ai le moyen de ressuciter les morts
Je l'ai je l'ai et il faut pour cela m'aimer
Ô moi le SAVOIR de la Mort !
Moi sombre fou ah consolation rêves grâce miracle charlatan affreux Ô !
15
Drsxao ! Fourche Blouk enflamme des poulets
le long d'une route périlleuse
Drasxao ! as-tu une bête morte pour moi ?
16
Et le hibou sanglote
le sorzier croate
est un brin égratigné
Entendez le hibou se ranimer
***
Quelle gueule ce Gregory Corso ! Aussi fulgurant que son texte ! On a aimé ce livre, qui présente en version bilingue un choix de poèmes extraits du recueil The happy Birthday of Death traduits par Blandine Longre, avec une notice biographique, une introduction de Paul Stubbs et une Postface de Kirby Olson, toutes deux s'attachant à montrer l'entrelac extrêmement complexe et savant qu'est en vérité la poésie - difficile ? - de Gregory Corso, souvent réduit à la figure du Beat sulfureux un peu plus branque que les autres (orphelin populo, taulard, rebelle, simplement lyrique...). "Sans doute le plus grand poète américain" nous dit Allen Ginsberg en 4ème de couverture, dans une accroche digne des affiches de films pourris qui sortent aujourd'hui en salles... mais pour cette fois, c'est - peut-être - vrai. Un beau complément (puisque les traductions de Gregory Corso sont rares) au volume anthologique Sentiments élégiaques américains (Christian Bourgois, 1977. Réédité en 1996) traduit par Pierre Joris. Hop !
Gérard Duchêne (1944-2014)
Gérard Duchêne (1944-2014)
A, fragment du Journal d'Il (Gérard Adde, sérigraphe éditeur, 2011)
***
Bois meurtriBois meurtri bois perdu d'un voyage en hiver
Navire où la neige prend pied
Bois d'asile bois mort où sans espoir je rêve
De la mer aux miroirs crevés
Un grand moment d'eau froide a saisi les noyés
La foule de mon corps en souffre je m'affaiblis je me disperse
J'avoue ma vie j'avoue ma mort j'avoue autrui
Bois meurtri bois perdu
Bois d'asile bois mort
Paul Eluard
James Schuyler "Il est douze heures plus tard"
Disponible ou sur commande dans (toutes) les (bonnes) librairies, et sur le site de l'éditeur ici...
Extraits :
S'apitoyer sur soi est une sorte de mensonge, aussi
Il
neige jours
de vision défectueuse et
no-
ël arrive, comme
une charrue. Et dans la
viande la neige. Etrange.
Tout ça me rappelle
une vieille dame que j'ai
vue une fois frissonner
nue à côté d'un ruisseau
noir et pollué. On
était si mal à l'aise - mais
le train ne s'est pas
arrêté - alors. Et le
blanc qui est
une autre couleur ou
son absence -
tourne sur lui-même
comme les Who
live à Leeds que je mets
pour noyer les saintes nuits
bêlantes du
clocher de l'église
presbytérienne ce qui revient
au même que de com-
battre le feu avec de l'huile.
Gens nus - vieux,
glacés - un jour nous aurons
juste la neige
à nous mettre aussi.
***
A Frank O'Hara
Pour Don Allen
Et désormais la splendeur de ton travail est là
si complet, même
les précisions de l'imprimeur sur la typo
oui, total, même le colophon
et désormais des gens que tu n'as jamais rencontré se rencontreront
et parleront de ton travail.
Si spirituel, si triste,
si toi : même tes vers ont
le nez cassé. Et dans le fracas
de certainsmots mâchonnés
je te vois à nouveau plonger
dans les déferlantes ! Que tu nous fis
peur, non, nous éblouis à nager
au coeur d'un orage électrique
et c'était ce que tu étais
plus de vies qu'un chat
dansant, avec ta grâce
féline, te hissant sur la pointe
des pieds prêt
à plonger et
tout cela, tes poèmes,
comprimés en vingt années.
Tes manières de charmer, d'inhaler
de souffler la fumée par les narines
Comme un cheval de course qui
vient de gagner la course
fumant, impatient de galoper
sauf que tu utilisais des mots
Nuit blanche ? Qui veut dormir ?
Ce n'est pas ta voix que j'entends
ce sont tes mots que je vois
flocons d'écume et poutrelles des villes
comme une fois depuis un bus qui traversait Manhattan
je t'ai vu attendre un taxi sous la pluie légère
(carchin) comme une fois tu
me donnas une leçon de conduite et la radio
jouait La Veuve joyeuse. n se tordait de rire.
Comme une fois sous l'arbre à tartes
(paulownia)
tu t'es marré en lisant que Sophie Tucker
- le Times dans un hamac -
avait un service à thé en or. "C'est absolument
délirant," disiat-elle, "pour un service,
mais c'était mon rêve."
***
James Schuyler (à droite) et Frank O'hara (à gauche) en 1956. Photo : John Button.
Ici, on ne connaissait pas James Schuyler (1923-1991), poète affilié à l'Ecole de New-York, pote de John Ashbery et Frank O'Hara, qui fabriqua sa poésie à partir des presque riens de sa vie. Un volume de poèmes choisis et traduits par Stéphane Bouquet qui postface également l'ouvrage, comme d'habitude limpide et précis, et dont vous pouvez accompagner votre lecture avec l'autre recueil traduit en français par Bernard Rival : Le Cristal de Lithium (Théâtre Typographique, 2009)
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