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Didier Calléja "Je dors" (les inédits)

Didier Calléja - JE DORS

Je ne sais pas pourquoi je dors. Peut-être pour oublier de vivre. A dormir : on vit peut-être plus dans la vie que dans la mort. Peut-être que c'est une petite mort de la vie dans le sommeil. Je dors. Je ne sers qu'à dormir. J'ai toujours rêvé comme tout le monde de ne plus vivre mais pas de mourir. Juste crier dans les rêves parce que crier dans la vie ne se fait pas. Dormir c'est sain. Dormir ne dérange personne. Il suffit de dormir pour voir que tout le monde s'en fout : ils disent "laissons-le. Il dort". Alors dormir c'est sain. Ça ne dépense pas une thune. Ça ne violente personne. On ne regarde pas la télé quand on dort. Juste son propre film. Il passe et il repasse toujours différent. Le film qui passe quand on dort ne coûte rien. Il n'exclut personne. Il en invente des gens. Des filles. Des gars. Toujours en accord avec le rêve même s'il y a des morts. Le rêve les fait revivre. Il n'exclut personne. On est spectateur et en même temps acteur de son propre film. On se voit dedans sans interférences. Sans références que sa vie passée. Le rêve invente le futur même pas imaginé. On vit pour dormir 90 % de la vie. Dormir c'est ça être vivant : pouvoir dormir sans gêner personne dans un lit ou dans la rue. Dans la rue dans le lit personne ne nous entends crier. La mort de l'autre comme une libération pour soi. Comme si on avait été moins on aurait put vivre mieux. Les morts on les considère bien. On les envoie dans les fleurs à  morts. Ils ne vieillissent pas : on les entends encore quand ils sont morts. Qu'on est usagé. Qu'on a plus court. C'est pas finit l'usage - l'usinage dans la mort ! Surtout quand ils sont morts ! On garde d'eux le mieux de la vie dans la mort. On se cercueil d'eux on se sert d'œil-de-mort pour voir la mort par le tout petit trou de la vie qui meurt. Alors on meurt. On se meurt. Tout seul. Pour essayer de vivre. D'autres grandissent. Certains vieillissent. D'autres encore n'arrive même pas à l'âge de deux ans. Vivre c'est fatiguant c'est douloureux. Ça atteint les nerfs de mourir en vie. La vie c'est un monstre qui mange tout de la vie. Tous les jours. La vie c'est une catastrophe. Il n'y a rien à manger en soi. Faut s'acheter du pognon au prix de l'esclavage. On est lobotomisé par la vie par la morale et les devoirs. Les déviances sont interdites. On nous suspend. On nous enferme. Il n'y a plus rien de la vie dans l'isolement. Plus rien de la vie dans la souffrance. Plus rien de la vie dans l'enfermement. Mais il est trop tard pour mourir. Parce qu'on vit plus alors quand on est enfermé suspendu au-dessus de la vie. Alors vaut mieux dormir. Garder ses idées. Regarder SA télé. Dans SES rêves. Dedans qui défilent les images. Pour SOI. Pour laisser le reste couler des vagues perlées le long de ses joues. Pour se sentir déjà des larmes. C'est pas mal déjà. C'est pas si lame de rasoir que ça quand on sait qu'une lame peut servir à raser le rasoir dans le tranchant de la réalité de la vie. La lame est une trouée dans la réalité. Il faut trancher : alors dormir ou vivre ? Il n'y a pas le choix. Pour rester un temps soit peu. Un tout petit temps. Presque rien de temps. Car tout bizarrement s'annule tout le temps. S'annule tout le temps comme il faut toujours tout recommencer comme des enfant à qui il faut dire tout le temps la même chose. Qu'on arrête pas de ressasser toujours la même chose. Que le bonheur est un truc qui se ressasse. Qui se repasse. Bonheur rapace dans le tranchant du bec : troue le ventre. Comme un film. Jamais acquis. Qui ne sort pas de la bête. Un truc qui tourne en boule qui fait  boule qui fait tout bouler tout ce qui se dit en passant par les mêmes redites. De toute façon c'est toujours la même conclusion : il n'y a pas de sortie. Il n'y a même pas de porte. Juste une clé dont ne sait pas comment la faire pénétrer. La clé n'est pas la sortie. Juste une sorte de talisman. Qui ne sert qu'à broyer le reste de sa vie à essayer de sortir pour toujours au delà de la vie au delà de la mort. Temps de temps à broyer tant de gens tant de cons tant de mots qui tendent vers un absolu de la mort : la mort verticale. A l'horizontalité de la mort : c'est de la vie couchée dans la mort allongée à dormir vers l'horizon à l'horizontalité. Il n'y à qu'une vie après tout quoi s'en foutre. N'y a-t-il qu'une seule mort pour toutes ses angoisses ces enfouissements de peau de peu de soi pour rien ? En définitif pour rien ! Tout pourrit à la fin ! Pour une seule fin ! Quand tout s'arrête qu'il ne reste plus rien même la vie ne donne rien : elle épluche constamment millimètres par millimètres le peu de peau le peu de sang et d'eau qui reste à jaillir comme un infime espoir de voir jaillir quelque chose de quelque part. Comme si c'était possible : un jaillissement de soi. Une immolation pour se sentir au chaud dans sa dernière danse avec la vie. L'immolation verbale. Jouer au feu. Avec le feu. La flamme du "savoir se faire prendre d'être né". Pris au piège. Prisonnier dès les premiers jours. Retour à la sale caboche défoncée par la fente. Retour au prépuce du trou. Jongler avec les ovaires. Les transformer au pire les voir jaillir. Les reformer. Réformer les ovaires. Transformer la vie comme seule et unique conscience d'exister. Un peu pour pas grand-chose. Juste un tout petit instant. Un petit rien qui se détend le long du fil du rasoir. Prêt de ce tranchant des veines. Prêts à se boire de son sang pour revivre indemne de la vie.

Didier Calléja, 2015

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Photographie : Valérie Jacquemin

Didier Calléja (alias Didika Koeurspurs) est un artiste en excellente forme physique. Il le faut pour réaliser des performances, de la poésie sonore, des concerts, de la danse, du théâtre, des drôles de machins visuels, des livres à la main, des films, des résidences, des ateliers en milieux carcéraux ou psychiatriques où peu se donnent la peine d'aller. Seuls quelques soldats noirs...
En période creuse, il vous propose également des services d'utilité publique : Donneur de leçon. Promeneur de chien. Donneur de claque. Crever les pneus du voisin chiant. Propositions de rêves. Garder votre sommeil pendant que vous dormez. Faire le clown en privé. Faire don de ses poils pour les imberbes. Amour à vendre moyennant conditions amoureuses. Fabrication de bonheur momentané. Prendre votre identité pour toutes sortes d'occasions : réunion chiante, école, collège, lycée, rendez-vous de merde... Apprendre le Zimbabw à vote place. Pisser à votre place. Boire, manger, fumer à votre place. Vous Prendre du temps. Garder votre calme. Vous aimer. Vous Gagner du temps. Prendre le large pour vous. S'inviter pour faire foirer une fête ou un anniversaire. Rêver à votre place (et ainsi vous raconter les rêves que vous désirez). Conduire votre voiture. Penser pour vous (pense-bête & méchant). Remplacer votre mari défaillant. Bloc-notes. Casseur d'assiettes (pour exorciser la colère). Casse-pieds (quand vous avez le fisc sur les talons). Faire votre ombre même la nuit et surtout quand il pleut. Casse-tête. Participer au film de votre vie, sous scénario convenu d'avance. Remplir votre fiche d'impôt, de RSA, de Banque, faire les démarches nécessaires à votre mort. Prendre votre place. Faire Charlie. Participer à renforcer la couche d'eau Jaune. Discuter avec vous quand vous êtes tout seul (il suffit d'appeler sur son numéro. Mot de passe : 51). Etre : Mathias Richard, Charles Pennequin, Alain Faure, Cécile Richard, Jessica Dore, Germaine Tillion, Laure Della-Flora, Socrate, Lauren Rodz, Max Horde, Régina Blaim, Julien Blaine, Thierry Rat, Antonin Artaud, Gérard Lepinois, Gaston Lagaffe, David Bowie, Joel Hubaut, Karl Marx, Manu Morvan, Satrape Mandragora, Jean-Louis Costes, Jean Voguet, Lilie Kitsh, Laurent Cauwet, Laurent Klajnbaum, Antonella Aynil Porcelluzzi, Thomas Pailharey... Toutes propositions bienvenues et acceptées moyennant rémunération ou échange, selon principe de solidarité.
Pour en savoir plus sur Didier Calléja : Tumblr, Scoop, Youtube, Soundcloud, Tapin². Hop !

Thierry Weyd "La vallée des dinosaures"

Thierry Weyd - La vallée des dinosaures
(Les éditions de Garenne, 1991)

Reproduction intégrale de la plaquette publiée par Les éditions de Garenne.

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Thierry Weyd (Lincoln, Nebraska, 1885)

Depuis longtemps déjà, Thierry Weyd bidouille une oeuvre transversale, largement expérimentale, qui s'apparente à un intemporel cabinet de curiosités. Curiosité qu'il a insatiable et qui investit de nombreux champs : l'édition (il fonde en 1985 les éditions Cactus, publiant une multitude d'objets hybrides), les dispositifs audiovisuels (le très fameux Théâtre des opérations), l'écriture de nouvelles et de bribes poétiques (le petit livre présenté ci-dessus est exemplaire de cette pratique très - trop - discrète), la diplomatie (il est le représentant français des royaumes d'Elgaland-Vargaland), la conception d'objets pratiques (exemple : la knock box, destinée à recevoir le marc du café expresso, conçue avec Pierre Magnier), la création de pièces radiophoniques (exemple : le magnifique "hörspiele" Du fond de l'abri, réalisé avec Gabriel Doguet, en partie conçu avec Le journal d'Albion Moonlight de Kenneth Patchen), l'organisation de concerts (Les après-midi d'Albion, entre autres), l'enseignement... mille autres choses encore qu'on assemblerait en s'amusant dans tous les sens pour chaque fois découvrir des mondes apocryphes, des univers presque magiques, désuets, intimistes, mélancoliques, parfois hantés, où le banal est transfiguré en mystère. Oui, on vous le dit, c'est un drôle de fanfaron...
Cette petite plaquette est typique à la fois du travail de Thierry Weyd et des publications photocopiées, pauvres et belles, qui fleurissent depuis les années 80 (Hercule de Paris, S.U.E.L, 666, Vr/so, Electre, Voluptiare Cogitationes, Blockhaus, Cahiers de Nuit, Les Contemporains Favoris, Model Peltex, j'en passe !) dont l'esprit influe toujours et perdure parfois difficilement (mais brillament, par exemple autour de l'Armée Noire). Les éditions de Garenne furent fondées par Christophe Petchanatz, qui s'y connaît en oeuvre tout terrain puisqu'il est musicien (Klimperei, Totentanz, Los Paranos...), écrivain (Les Alfreds, Jean-Pierre Huguet éditeur, 2007. Hon, avec Ivar Ch'vavar, Le Corridor Bleu, 2009. Entre autres...) mais encore photographe, dessinateur... Au cours de sa brève existence, cette honorable maison underground (les vulgaires nomment cela de la "micro-édition") publia des livres de Nadine Agostini, Dominique Quélen, Jacques Abeille, Sylvie Nève, Alban Michel, Philippe Pissier... et de nombreux autres avant même que les éditeurs plus établis ne daignent jeter un seul oeil sur leurs manuscrits. Pas mal, non ?
Voilà... deux garants d'un esprit (farceur et volubile, intransigeant et généreux) bien éloignés des chapelles ! Hop !

Térature 3/4 "Le sex O'clock de Christian Prigent"

Térature 3/4 - Le sex O'clock de Christian Prigent
(Térature, 1981)

Reproduction intégrale du dossier consacré à Christian Prigent.

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Fondée par Joël Benzakin et Jean-Luc Steinmetz, l'excellente revue Térature a publié 10 numéros entre 1980 et 1984. Pour dire vite, elle était placée sous la double impulsion de TXT (dossiers consacrés à Valère Novarina, à Georges Bataille, à la lecture publique, à Christian Prigent donc ; Sommaires où se retrouvent Philippe Boutibonnes, Alain Robinet, Gérard de Cortanze, Claude Viallat, Jean-Noel Vuarnet, Claude Minière...) et des aspirations moins avant-gardistes (mais non moins exigeantes et passionnantes) de Jean-Luc Steinmetz qui retournait à ses amours (notables à travers les présences de Jean Tortel ou de Pierre Oster). Constat : les "expériences" de TXT ou de Tel Quel sont étudiées, intégrées, exploitées... et Térature est une des revues qui sut faire le lien entre des positions radicales, des esthétiques innovantes et un lyrisme tout "poétique" qui ne procèdait pas nécessairement d'une attitude réactionnaire... Drôle de noeud dans une époque de reflux des avant-gardes et de retour à la poésie Ô combien trop souvent béate et fleurie. D'ailleurs, il s'agit du premier dossier conséquent consacré à l'oeuvre de Christian Prigent (qui incarne alors pour les mous - disons-le ainsi - un monstre irascible qui se livre à des expérimentations échevelées) élaboré dans une façon déjà en partie dégagée des "tics" strictement avant-gardistes (une approche moins militaro-psychanalo-linguisto-truc des écrits du vilain poète).
Les numéros de cette revue sont malheureusement à peu près introuvables... zut ! Hop !