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James Schuyler "Il est douze heures plus tard"

James Schuyler
Il est douze heures plus tard
(Joca Seria, 2014)

Disponible ou sur commande dans (toutes) les (bonnes) librairies, et sur le site de l'éditeur ici...


Extraits :

S'apitoyer sur soi est une sorte de mensonge, aussi

Il
neige jours
de vision défectueuse et
no-
ël arrive, comme
une charrue. Et dans la
viande la neige. Etrange.
Tout ça me rappelle
une vieille dame que j'ai
vue une fois frissonner
nue à côté d'un ruisseau
noir et pollué. On
était si mal à l'aise - mais
le train ne s'est pas
arrêté - alors. Et le
blanc qui est
une autre couleur ou
son absence -
tourne sur lui-même
comme les Who
live à Leeds que je mets
pour noyer les saintes nuits
bêlantes du
clocher de l'église
presbytérienne ce qui revient
au même que de com-
battre le feu avec de l'huile.
Gens nus - vieux,
glacés - un jour nous aurons
juste la neige
à nous mettre aussi.

***

A Frank O'Hara

Pour Don Allen

Et désormais la splendeur de ton travail est là
si complet, même
les précisions de l'imprimeur sur la typo
oui, total, même le colophon

et désormais des gens que tu n'as jamais rencontré se rencontreront
et parleront de ton travail.
Si spirituel, si triste,
si toi : même tes vers ont

le nez cassé. Et dans le fracas
de certainsmots mâchonnés
je te vois à nouveau plonger
dans les déferlantes ! Que tu nous fis

peur, non, nous éblouis à nager
au coeur d'un orage électrique
et c'était ce que tu étais
plus de vies qu'un chat

dansant, avec ta grâce
féline, te hissant sur la pointe
des pieds prêt
à plonger et

tout cela, tes poèmes,
comprimés en vingt années.
Tes manières de charmer, d'inhaler
de souffler la fumée par les narines

Comme un cheval de course qui
vient de gagner la course
fumant, impatient de galoper
sauf que tu utilisais des mots

Nuit blanche ? Qui veut dormir ?
Ce n'est pas ta voix que j'entends
ce sont tes mots que je vois
flocons d'écume et poutrelles des villes

comme une fois depuis un bus qui traversait Manhattan
je t'ai vu attendre un taxi sous la pluie légère
(carchin) comme une fois tu
me donnas une leçon de conduite et la radio

jouait La Veuve joyeuse. n se tordait de rire.
Comme une fois sous l'arbre à tartes
(paulownia)
tu t'es marré en lisant que Sophie Tucker

- le Times dans un hamac -
avait un service à thé en or. "C'est absolument
délirant," disiat-elle, "pour un service,
mais c'était mon rêve."

***

James Schuyler (à droite) et Frank O'hara (à gauche) en 1956. Photo : John Button.

Ici, on ne connaissait pas James Schuyler (1923-1991), poète affilié à l'Ecole de New-York, pote de John Ashbery et Frank O'Hara, qui fabriqua sa poésie à partir des presque riens de sa vie. Un volume de poèmes choisis et traduits par Stéphane Bouquet qui postface également l'ouvrage, comme d'habitude limpide et précis, et dont vous pouvez accompagner votre lecture avec l'autre recueil traduit en français par Bernard Rival : Le Cristal de Lithium (Théâtre Typographique, 2009)