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Les chants du mort

Anonyme
Les chants du mort
(L'Arbre, 2003)

Epuisé mais un exemplaire au moins est disponible chez Elisabeth Brunet, libraire à Rouen.


Extrait :

Aurores, aurores,
Aurores soeurs,
Ne vous hâtez pas
De nous envahir
Que le blanc errant
N'ait pour son voyage
Un cierge de cire,
Qu'il soit beau à voir ;
Un voile de toile,
Un autre de fil,
Pour bien se vêtir.

Aurores, aurores,
Aurores soeurs,
Ne vous hâtez pas
De nous envahir
Que le blanc errant
N'ait pour son voyage
Un char à charroi
Deux boeufs qui le tirent,
Car il est en route
D'un monde dans l'autre
Du pays d'amour
Au pays d'oubli
Du pays de pitié
Au pays sans pitié.

Aurores, aurores,
Aurores soeurs,
Ne vous hâtez pas
De nous envahir
Que le blanc errant
N'ait pour son voyage
Neuf petites lettres
Brûlées dans les coins
Pour qu'on les remette
A tous les cousins
Qu'ils viennent aussi
Voir quelle tristesse.

(Chants recueillis dans la province de Gorj en Roumanie par Constantin Brailoïu, traduits par Ilarie Voronca et Jacques Lassaigne)

Eberhard Haefner "La Grammaire des Pierres"

Eberhard Haefner
La Grammaire des Pierres
(Atelier Vincent Rougier, 2014)

Disponible ou sur commande dans (toutes) les (bonnes) librairies... et sur le site de l'éditeur ici


Extrait :

Le monde intérieur des agneaux

Quand le loup sent le froid de la tonte il rôde
les agneaux lèchent le sel
des tondeuses jouffues
les crocs déchiquètent la forêt qui moutonne
dans la pièce aux quenouilles on raconte
des histoires d'escalopes et de gigots

à l'horizon obscur scintillent
les saillies du comte de Lautréamont
aux chaînes des monts pend son monde intérieur
et la peau ensanglantée dégouline des glaciers
des agneaux dépiautés

les montagnes de thym exhalent Godot
après le maquis ronceux c'est la terre promise
que lèchent les flammes au premier commandement
ici commence le désert, pas un pas de plus

***


Toujours disponible (sinon trouvable...) :
Eberhard Haefner Syndrom Deutschland (Virgile, coll. Ulysse Fin de siècle)

Daniil Harms "Даниил Хармс Tome 1"

Daniil Harms
Даниил Хармс Tome 1
(Harpo &, 2013)

Disponible ou sur commande dans (toutes) les (bonnes) librairies...


Extrait :

Visite à la maison des écrivains le 24 janvier 1935

Quand abandonné par le sort
Mes amis je frappe à votre porte
Mon regard de lui-même s'assombrit
Et impossible d'arrêter les battements de mon coeur
Peut-être que je ne viens pas
Vous offrir des rythmes de joie
Dans ma poitrine, peut-être que je ne supporte pas
De vos sarcasmes les humiliations
Peut-être que déjà plus d'une fois
Mes amis ont tonné leur condamnation
Que dans mon malheur rigoureux
Je ne suis pas digne de vous
                                          inadapté
A la foule des soucis et aux froideurs du destin

***


Un ouvrage magnifique... Obérioutez-vous avec Daniil Harms dont les Editions Verdier ont également publié en 2005 l'immense volume des Oeuvres en prose et en vers (indispensable, naturellement) ! Hop ! C'est tout.

"Hier ist kein warum"



Membres d’un Einsatzkommando (unité mobile d'extermination) peu avant qu’ils exécutent un jeune juif. Les membres assassinés de sa famille sont étendus devant lui ; les hommes à gauche sont d’origine allemande et assistent le peloton. Slarow, Union soviétique, 4 juillet 1941. Dokumentationsarchiv des Oesterreichischen Widerstandes. US Holocaust Memorial Museum

Jonathan Swift "Poèmes satiriques"

Jonathan Swift
Poèmes satiriques
(Editions Alilades, 2011)

Disponible ou sur commande dans (toutes) les (bonnes) librairies...


Extrait :

Conseil aux rimailleurs de Grub Street

Hé vous, loqueteux, poètes en hardes,
     Vite, descendez des mansardes,
Vous rimeurs morts dès que nés,
     Pas même bons à l'emballage des beignets,

J'ai un truc pour vous faire prospérer,
     Un conseil qui va vous étonner ;
Vos poèmes mort-nés vont revivre
     Et laisser l'emballage des épices.

Allez-y, tous vos vers, imprimez-les,
     Puis laissez le tout bien sécher ;
Et que Curll prenne bien garde
     A vous faire de larges marges.

Envoyez ça à Pope, qui tire
     Sur le papier ; quand il voudra écrire,
Pas d'enveloppe pour ses lettres
     Qui le mettent plus en liesse.

Quand la marge par Pope sera remplie,
     Récupérez ce que vous avez mis ;
Vendez à Curll, pour cinquante livres,
     En jurant que vous l'avez écrit.

(1726)

***


Jonathan Swift (1667-1745) était moche, mais redoutablement intelligent ! Impossible de ne pas tout lire !

Christian (Pré)Prigent "Question d'espace"

Christian Prigent
Question d'espace
(L'Essentiel, 1967)

Reproduction intégrale de la plaquette publiée par L'Essentiel (Henri Poncet).

































***

Un Christian Prigent préhistorique... et disparu. Sur Question d'espace :
Bénédicte Gorillot Christian Prigent, quatre temps (Editions Argol, pages 87-89, 2009)


***


On ne présente plus CHRISTIAN PRIGENT, on le lit !

Faust "Rien"

Faust
Rien
(CD Table Of The Elements, 1994)

20 ans pour ce chef-d'oeuvre absolu !


***

1 Rien (0:14)
? (5:29)
3 Long Distance Calls In The Desert (4:10)
4 Eroberung Der Stille, Teil II (9:19)
Listen To The Fish (15:25)
Fin
-
Recorded 1994, USA.
-
Ferrara Brain Pan : Turkish Pipe.
Werner Diermaier : Drums.
Keiji Haino : Guitar.
Hans-Joachim Irmler : Organ.
Steven Wray Lobdell : Guitar.
Michael Morley : Guitar
Jim O'Rourke : Tapes
Jean-Hervé Péron : Bass
Producer : Jim O'Rourke
-
Table Of The Elements, CR24, 1994.

***


Siegfried Sassoon "Qu'est-ce que ça peut faire ?"

Siegfried Sassoon
Qu'est-ce que ça peut faire ?
(L'Arbre, 2004)

Disponible ou sur commande dans (toutes) les (bonnes) librairies...
et auprès des Editions Alilades.


Extrait :

Suicide dans les tranchées

Je connaissais un gars, un simple soldat
Qui riait à la vie, en attendant de la joie,
Dormait profond dans la nuit solitaire
Et dès le matin se mettait à siffler.

Dans l'hiver des tranchées, sombre, effrayé,
Avec les obus, les poux, le rhum qui manquait,
Il s'est mis une balle dans la cervelle

....................................................................

Et de lui personne n'a plus parlé.
O vous, foules béates aux regards qui flambent
Quand vous acclamez les soldats qui passent,
Filez chez vous et priez de ne jamais connaître
L'enfer où s'en vont rire et jeunesse.

***

"Hier ist kein warum"



Enfants tsiganes, détenus dans un camp de concentration d'oustachi (fascistes croates). Yougoslavie, pendant la guerre. US Holocaust Memorial Museum

Patrick Beurard-Valdoye "Gadjo-Migrandt"

Patrick Beurard-Valdoye
Gadjo-Migrandt
(Flammarion, 2014)

Disponible ou sur commande dans (toutes) les (bonnes) librairies...


Extrait : 




le silence règne sur
le camp de vacances familial
que le murmure d'un ru en
contrebas de Loucka contrôle
à l'écart



parfois un cri d'enfant près de
la piscine puis son écho
aux parages des jouets oubliés
le rompent



une rangée de cabanes estivales
surplombe la clairière terrassée
à l'orée de l'obscur



le soir le soleil attendrit
les bungalows et l'herbe drue
que cernent une barrière en planches
et les conifères en rempart



il arrive qu'un passant pénètre
l'enclos sous le regard ahuri
des vacanciers mais il n'a d'yeux que
pour deux baraques d'un autre âge



le camp regroupait des travailleurs
itinérant la loi assimilait
les intermittents du travail
aux tsiganes nomades
la ministère régla la question de 
ses juifs noirs - ses asociaux -
en les bouclant là



Rroms et Sintis arrivaient au
camp de concentration par
trains noirs terminant à pied
vieillards et femmes enceintes
par voiture



aux baraques gorgées de gens
sans voyage on ajouta
leurs roulottes alignées
au ban de la foret



ils bâtissaient la route
cassaient des cailloux
la corvée d'eau dans l'affluent
de l'Hodonìnskà
était une brève évasion hors barbelés
la honte n'était pas autorisée



il faisait chaud
le matin du 21 août 
la bise adorable coulait sur le val
depuis plusieurs jours
les tsiganes pressentaient le pire
sans trouver mots pour le dire
rien ne donnait plus le goût de moravivre
car la vérité ne se dit bien qu'en
Rromani où VOYAGER se prononce
JA et MOT c'est la MORT



le silence de plomb fut rompu
par des ordres exécutés
les cris les appels des mères
les pleurs d'enfants les hurles
tout ce monde en aparté
forma un cortège en rang serré
vers le train spécial pour une
destination inconnue : SMRT
quelque part en Silésie
avec un Z tatoué sur le bras



dans la futaie achrome alentour
nul oiseau n'éveille l'oreille
les pommes de pins jonchent la terre
la fougère - les doigts du diable -
par endroit ranime la
gringolée où quelques trompettes
de la mort se dessèchent



les rares sons inaudibles
pour les estivants font songer
à de sappels surgis du fond
le soir encore hantant la foret



dans l'assiette tourbeuse d'un roc
une touffe de trèfles a pris le dessus
est-ce qu'un trèfle à quatre feuilles porterait
bonheur à une âme nomade?
en vain il n'y a rien
seulement ces plaintes inouïes
et les pleurs du passant.

...
***


Ilarie Voronca "Mais rien n'obscurcira la beauté de ce monde"

Ilarie Voronca
Mais rien n'obscurcira la beauté de ce monde
(L'arbre, 2011)

Réédition disponible ou sur commande dans (toutes) les (bonnes) librairies...


Extrait :

Beauté de ce monde

                                                                          à Léon-Paul Fargue

Rien n'obscurcira la beauté de ce monde.
Les pleurs peuvent inonder toute la vision. La souffrance
Peut enfoncer ses griffes dans ma gorge. Le regret,
L'amertume, peuvent élever leurs murailles de cendre,
La lâcheté, la haine, peuvent étendre leur nuit,
Rien n'obscucira la beauté de ce monde.

Nulle défaite ne m'a été épargnée. J'ai connu
Le goût amer de la séparation. Et l'oubli de l'ami
Et les veilles auprès du mourant. Et le retour
Vide du cimetière. Et le regard terrible de l'épouse
Abandonnée. Et l'âme enténébrée de l'étranger,
Mais rien n'obscucira la beauté de ce monde.

Ah ! On voulait me mettre à l'épreuve, détourner
Mes yeux d'ici-bas. On se demandait : "Résistera-t-il ?"
Ce qui m'était cher m'était arraché. Et des voiles
Sombres recouvraient les jardins à mon approche
La femme aimée tournait de loin sa face aveugle
Mais rien n'obscurcira la beauté de ce monde.

Je savais qu'en dessous il y avait des contours tendres,
La charrue dans le champ comme un soleil levant,
Félicité, rivière glacée, qui au printemps
S'éveille et les voix chantent dans la marbre
En haut des promontoirs flotte le pavillon du vent
Rien n'obscurcira la beauté de ce monde.

Allons ! Il faut tenir bon. Car on veut nous tromper,
Si l'on se donne au désarroi on est perdu.
Chaque tristesse est là pour couvrir un miracle.
Un rideau que l'on baisse sur le jour éclatant,
Rappelle-toi les douces rencontres, les serments,
Car rien n'obscurcira la beauté de ce monde.

Rien n'obscurcira la beauté de ce monde,
Il faut jeter bas le masque de la douleur,
Et annoncer le temps de l'homme, la bonté,
Et les contrées du rire et de la quiétude.
Joyeux nous marcherons vers la dernière épreuve
Le front dans la clarté, libation de l'espoir.
Rien n'obscurcira la beauté de ce monde.

***


Sur Ilarie Voronca :
Christophe Dauphin Ilarie Voronca, le poète intégral (Editinter, 2011)
Plein Chant numéro 77 (Plein Chant, 2004)
Plusieurs ouvrages de Ilarie Voronca sont toujours disponibles aux éditions L'Arbre, Plein chant et Jean-Michel Place (chez qui la revue 75HP réalisée avec Victor Brauner a été rééditée en 1993).